vendredi 29 juin 2012

Les livres de Corum Tome 3 : Le roi des épées - Michael Moorcock

Les livres de Corum Tome 3 : Le roi des épées - Michael Moorcock

Dernier tome de La Trilogie des épées, Le roi des épées commence alors qu'un mystérieux et insidieux mal se répand sur les terres du monde de Corum. Celui ci pousse les gens les uns contre contre les autres, semant dans les esprits les graines de la discorde et de l’agressivité. Et ce qui devait arriver arrive : tout le monde s'entretue. Mais qu'est-ce donc ? Les forces du Chaos sont-elles de retour ? Évidemment.

Corum, son compagnon Jhary et sa copine Rhalina échappent de peu au désir de s'étriper mutuellement, et partent demander conseil aux forces de la Loi. Les voici avec un objectif bien vague : retrouver Tanelorn, la citée qui existe en tous temps et dans tous les plans, que les lecteurs des autres cycles du Multivers connaissent déjà. Pour atteindre cet objectif lointain, ils devront traverser les royaumes détraqués du Chaos et faire une petite escale par notre monde à nous (en Bretagne pour être précis). Un pays gouverné par un seul Dieu fort lointain et pas très actif, quelle étrangeté ! Corum fera également alliance avec deux autres incarnations du Champion Éternel, Elric et Erekosë, lors de l'épisode de la Tour Abolie. Je me souviens de ce passage lors de ma lecture du cycle d'Elric, c'est très sympa de voir comment le destin de ces différents héros qui n'en sont qu'un se recoupe.

Et par la suite ... je n'en dirait pas trop, mais la fin est vraiment d'une très grande qualité. Elle réserve vraiment des surprises et explique certaines choses s'étant produites précédemment, donnant une impression de cohérence à laquelle Moorcock ne m'avait pas vraiment habitué avec le cycle d'Elric. Une très bonne lecture, dense et intense. Je lirai la seconde trilogie des aventures de Corum un peu plus tard.

Et je ne résiste pas à l'envie de mettre ici quelques petites citations, pour essayer de montrer que dans les cycles du Multivers, si les intrigues ont un déroulement plutot classique, c'est le fond qui est particulièrement intéressant et non manichéen, le Chaos n'étant pas le mal et la Loi n'étant pas le bien.

Corum à Elric : "Nous avons au moins une chose en commun, Elric, c'est d’être tous les deux condamnés à jouer un rôle dans la lutte constante des Seigneurs des Mondes Supérieurs ... et nous ne comprendrons jamais pourquoi ces luttes se déroulent, pourquoi elles sont éternelles. Nous combattons, nous souffrons affreusement dans nos esprits et dans nos âmes, mais nous ne sommes jamais certains que nos souffrances vaillent la peine."

Je-ne-dirai-pas-qui (ah ah !) à Corum : "Ne savez vous donc pas que vous rêvez des Dieux - que vous êtes plus forts qu'eux - que c'est lorsque que vous êtes effrayés que vous attirez des Dieux terrifiants ? N'est-ce pas évident à vos yeux ?"

188 pages, 1971, Pocket
CITRIQ

jeudi 28 juin 2012

Aliens vs. Predator


Alien vs. Predator
Je l'avoue, j'ai acheté Aliens vs. Predator simplement parce que j'adore les films de la saga Alien, et que j'aime beaucoup Predator (je cède à la puissance des licences, j'ai honte). Je sais que le jeu a la réputation de ne pas être génial, mais bon, pour 4€, je ne vais pas dire non à cet univers si charmant. Pour info, ces deux monstres sacrés du cinéma ont été rassemblés pour la première fois dans des comics, puis un peu plus tard en différents jeux vidéos. Plus récemment, deux films qui ... non, ces films n'existent pas. Bref, ce reboot de la série, sortit en 2010, propose comme son ainé ayant vu le jour en 1999 trois campagnes différentes, chacune consacrée à une race. Il y a aussi un mode multijoueur, mais ce n'est pas ce qui va nous intéresser ici. Hop, on commence par les humains, honneur aux plus faibles.



Les humains
Dans cette campagne, on incarne un bleu, et on ne comprend pas tout. On ne sait absolument pas où l'on est (bon, un peu quand même : sur une autre planète), et on se contente d'avancer tout droit, harcelé via notre radio par nos alliés qui nous rappellent toutes les 10 secondes qu'il faut aller tout droit. Bref, ça ne commence pas super bien. De même, la rencontre avec notre premier alien est d'une platitude certaine. Malgré tout, une fois que l'on commence à sortir des étroits couloirs du début, et que l’on explore une ruche alien, une jungle hostile, des pyramides predator ou encore des labos démolis, le jeu gagne en intérêt, et l'on se laisse porter agréablement par une ambiance bien rendue et une histoire très ténue mais sympathique. Par contre, la campagne dure seulement 3 petites heures, ce que ne laisse pas le temps d'approfondir les choses. Et surtout, les aliens sont vraiment de la chair à canon : alors qu'on affronte un seul predator (un boss), les aliens se massacrent par dizaines. C'est de la discrimination ! L'intelligence artificielle des aliens ne leur fait pas honneur, ils nous foncent souvent dessus alors qu'ils pourraient logiquement nous avoir en 3 secondes par derrière, et même la reine n'oppose guère de résistance. On rencontrera aussi des androïdes de combats très coriaces, qui tirent aussi bien sur le joueur que sur les aliens. Bref, c'est court, le gameplay est assez pauvre, la mise en scène pas folichonne, mais cette campagne se laisse malgré tout parcourir agréablement.

Alien vs. Predator

Les predators
Tout commence par un petit didacticiel, histoire de comprendre les particularités de cette race. Au corps à corps, on peut utiliser nos "griffes", mais on dispose aussi d'une arme à distance, le bien connu laser rouge des predators. On peut effectuer de très longs sauts, et en profiter pour grimper partout. Hop, maintenant on part à la chasse ! Et c'est un vrai plaisir que de scruter ces faibles humains depuis les hauteurs, invisible, puis de leur sauter dessus brusquement, ou de se glisser derrière eux pour leur arracher la tête de quelques coups de griffes ... On incarne un prédateur, indubitablement, du genre qui décapite ses victimes pour le fun (mais aussi pour ouvrir les serrures a reconnaissance rétinienne). Contre les aliens, les combats sont moins subtils puisque notre camouflage ne dupe pas ces créatures, les combats se font donc souvent au corps à corps. Mais pour varier les plaisir, on obtient au fur et à mesure de notre progression différentes armes : des mines (inutiles), mais surtout un disque de lancer et une lance, qui sont très plaisants à utiliser. Les exécution sont très gores, aussi bien contre les humains que contre les aliens. Mais encore une fois, c'est très court, et on est trop assisté pour vraiment ressentir le frisson du chasseur. Les bonnes idées ne sont pas assez exploitées, mais on s'amuse bien quand même.

Alien vs. Predator
Alien vs. Predator











Les aliens
La campagne alien a la bonne idée de commencer par le commencement : la naissance de la créature que l'on va incarner. L'alien est né en captivité, et est appelé le "numéro 6". On vit son évasion, et sa revanche sur les humains qui l'ont considéré comme un animal de laboratoire (ils vont le regretter). L'alien est bien sur très rapide, a la capacité de se déplacer sur toutes les surfaces, sol, murs et plafonds (ce qui rend parfois les déplacements très confus) et il peut utiliser les conduits d'aération pour se faufiler. De plus, il est l'ami des ténèbres, et voit aussi bien dans le noir qu'a la lumière. Franchement, j'ai vraiment pris beaucoup de plaisir a contrôler le xénomorphe, a courir dans le dos des humains (quelle race pitoyable !) pour les transpercer  avec la double mâchoire de la bête ou avec sa queue aussi effilée qu'un rasoir. Il y a plein de bonnes idées : manger le cerveau de nos victimes pour se soigner, appeler un face hugger pour infecter les humains non armés, ou encore voire un pauvre type se tirer une balle dans la tête tellement on lui fait peur. Malheureusement c'est terriblement court (2h), et le gameplay reste assez superficiel et imprécis.  

Alien vs. Predator

Dans les 3 campagnes, on parcourt plus ou moins les mêmes environnements, mais ce n'est pas vraiment gênant puisqu'on a vraiment a chaque fois une façon différente de les aborder. Quand au scénario, j'ai cru comprendre que les différentes aventures se recoupaient, mais ce n'est vraiment pas très clair, ni très passionnant. En somme, on a trois gameplays différents, mais qui ne sont vraiment pas poussés, et en plus l'ensemble est extrêmement court et pas spécialement joli. Mais ça ne m'a pas empêché de bien m’amuser à incarner ces différentes créatures. Morale : si vous aimez l'univers Alien et que comme moi vous trouvez le jeu à quelques euros, il n'y a pas de raisons pour que Aliens vs. Predator ne vous fasse pas passer un bon moment malgré tout ses défauts.

mardi 26 juin 2012

Les livres de Corum Tome 2 : La reine des épées - Michael Moorcock

Les livres de Corum Tome 2 La reine des épées - Michael Moorcock

Quand nous avions quitté le prince Corum à l'issue de premier tome de ses folles aventures, il coulait des jours paisibles dans un château avec son amoureuse (c'est un veinard, il y a d'autres incarnations du Champion Éternel qui n'ont pas cette chance). Et c'est ainsi que nous le retrouvons. Mais les préparatifs de la guerre grondent à l'horizon ...

En effet, la Reine Xiobarg, divinité du Chaos, n'a guère apprécié la destruction de son frérot, elle use donc de toute son influence pour faire tomber les forces de la Loi depuis son plan à elle (plans = mondes parallèles). Avant que l'aventure ne commence vraiment, Corum va rencontrer Jhary-a-Conel, compagnon des Champions, qui a notamment accompagné Elric dans une partie de ses voyages. Ensuite, il faudra bien prendre part à la guerre contre les hordes du Chaos. Et pour avoir une chance de la gagner, nos héros devront se rendent sur le plan de la reine Xiombarg pour chercher des alliés ...

Encore une fois, c'est court, intense, ça ce lit vite et avec plaisir. Cependant, Corum, grâce à sa Main un peu spéciale, a une capacité qui rend les retournements de situation un peu faciles : il peut invoquer ses dernières victimes pour les lancer à l'assaut de ses ennemis du moment en leur offrant en échange la libération, et les nouvelles victimes prennent leur place devenant ses prochaines invocations. Du coup, Corum se tire des mauvais pas en usant toujours plus ou moins du même artifice. Mais bon, je suis bon public, tant pis pour les imperfections et incohérences, c'est quand même bien marrant.

Et la copine de Corum est toujours vivante à la fin ! Ça deviendrait presque un récit joyeux. Voyons la suite.

184 pages, 1971, Pocket
CITRIQ

lundi 25 juin 2012

Les livres de Corum Tome 1 : Le chevalier des épées - Michael Moorcock


La fantasy, ce n'est pas mon truc. Même si je lâche quelques larmes en lisant Tolkien, je trouve que ce genre est un peu trop enfermé dans ses codes et abuse des sagas à X tomes de 800 pages (si vous aimez la fantasy et que vous savez que j'ai tort, soyez indulgents envers mon ignorance). Pourtant, j'ai beaucoup aimé le cycle d'Elric de Michael Moorcock. Une écriture vive et sans fioritures (certains diraient pauvre), qui va droit à l'essentiel, un (anti)héros sombre, torturé, déprimé, à la fois maitre et esclave de son épée Stormbringer, cherchant sa voie entre l'Ordre et le Chaos. Et penchant plus vers le Chaos. Me voici donc parti dans un autre cycle du même auteur, aux cotés de Corum, autre incarnation du héros éternel.

Difficile de faire moins original que Le chevalier des épées quand on cherche un titre pour un bouquin de fantasy. Mais bon, passons. Le chevalier en question, c'est Arioch, dieu du chaos (également très présent dans le cycle d'Elric) à qui notre ami Corum va devoir se frotter. Le prince Corum est le dernier des Vadhaghs, race vieille d'un million d'années. Les Vadhaghs aimaient rester dans leurs châteaux pendant les millénaires que durent leurs vies, à cultiver les arts et le savoir, chose qui n'offrait pas beaucoup de divertissements aux dieux du chaos. Ces derniers ont donc crées les Hommes dans le but de leur faire détruire les races anciennes, trop occupées et sures d'elles pour s'intéresser à cette nouvelle espèce barbare. Corum n'a pas pu sauver les siens, et s'est lui même fait arraché un œil et coupé une main par les Hommes.
Il trouvera cependant l'amour dans les bras d'une humaine (comme quoi, il y en a des sympas des humains), et recevra d'un sorcier à l'égo démesuré l’œil de Rynn, permettant de voir dans les autres plans, et la Main de Kwll, permettant d'invoquer des créatures de ces autres plans. Et comme Stormbringer, la Main est dotée d'une certaine forme de volonté propre. En échange de ces présents, Corum devra aller voler le cœur d'Arioch. Normal.

Corum est un héros un peu moins déprimé qu' Elric (bon, il a quand même souvent envie de se suicider), ce qui n’empêche pas le ton général d’être très sombre, mais non sans humour à l'occasion. Et encore une fois, ce qui fait la différence, c'est l'écriture de Moorcock : il fait 200 pages là ou d'autres auteurs pourraient sans souci en faire le triple. Il en résulte une aventure extrêmement dense, où rien n'est superflu, où tout s'enchaine si rapidement (et si bien) que l'on ne voit pas les pages passer. Simple et efficace.

Bref, ce premier tome des Livres de Corum m'a vraiment enthousiasmé. J’espère que la suite continuera sur cette lancée.

215 pages, 1971, Pocket
CITRIQ

dimanche 24 juin 2012

Le meilleur des mondes possibles - Ray Bradbury


Le meilleur des mondes possibles est un court recueil de cinq nouvelles de Ray Bradbury proposées à un tarif modique (2€), sans doute pour donner envie au lecteur d'acheter plus de livres de l'auteur. Et si c'était bien là l'objectif, l'éditeur a réussit son pari.

Car si les nouvelles proposées se dévorent à toute vitesse, ce n'est pas seulement dû à la taille assez importante des caractères, c'est avant tout qu'elles sont excellentes. Si Bradbury explore souvent des univers fantastiques ou de science fiction, ce n'est pas le cas ici, ce qui n’empêche pas les histoires d'avoir un coté un peu étrange, décalé. L'écriture est particulièrement belle, poétique, et le ton profondément humain, sensible, sans oublier d’être drôle. Que se soit en nous racontant l'histoire d'un enfant soldat, d'un marin au cœur brisé, d'une femme illustrée (belle auto-référence), de deux hommes aussi bons que malchanceux ou d'étranges relations homme/femme, la plume de Bradbury touche sans aucune peine la sensibilité du lecteur (enfin, la mienne en tout cas).

Un excellent moyen de découvrir cet auteur génial décédé il y a peu à l'age de 91 ans, ou simplement de passer un bon (et court) moment de lecture. Lisez donc si ce n'est déjà fait Farenheit 451, Les chroniques martiennes ou encore L'homme illustré, c'est bon pour la santé.

123 pages, collection Folio. Les 5 nouvelles sont extraites du recueil Les machines à bonheur disponible chez Folio SF.

CITRIQ

vendredi 22 juin 2012

Les clochards célestes - Jack Kerouac


Les clochards célestes se révèle grâce à son splendide titre avant même que l'on ne pose un regard sur le quatrième de couverture. Clochards ? Les personnages errent sur les routes, prennent les trains en passagers clandestins, dorment à la belle étoile ... Célestes ? Car ils font tout cela non pas nécessité mais par plaisir, cherchant une vie simple pour se consacrer à la spiritualité.

Je dois bien avouer qu'au début, j'ai trouvé les personnages vraiment insupportables. Ils sont persuadés d’être des poètes, des artistes, se prétendent bouddhistes, et déblatèrent en permanence un blabla philosophico-mystique souvent exaspérant. Mais après une centaine de page, cet aspect du livre ne me posait plus aucun problème, et contribuait au contraire à distiller une ambiance planante à la limite du fantastique. Et finalement, le périple de Ray, le narrateur, avec ses doutes, ses convictions, ses envolées mystiques et lyriques, est un délicieux voyage initiatique qui nous fait traverser tout les USA à la rencontre aussi bien de personnalités décalées que de décors splendides, vastes étendues naturelles et sauvages. Ray, seul ou avec ses amis, va explorer deux types de routes : celles, goudronnées, sur lesquelles il marchera le pouce levé, et celles qui ne sont que des chemins de randonnée terreux, propices à la solitude et à l'introspection. Même de retour chez lui, parmi sa famille, Ray préfère passer son temps seul, allongé dans la foret, à cultiver ses croyances, à chercher des réponses aux multiples questions qui l'assaillent.

Les clochards célestes m'est apparu comme un monument érigé à la gloire et à la mémoire d'un mode de vie nomade, atypique et perdu, duquel se dégage une certaine nostalgie. Ce mode de vie ne peut manquer de provoquer une réaction du lecteur : irresponsabilité et futilité ? Existence utopique, sans autres soucis que les questionnement existentiels que l'on s'impose ? Autodestruction camouflée ? Rêve à jamais inaccessible ? Quoi qu'il en soit, j'ai ressenti une petite pointe de tristesse à l'idée que je ne ferai probablement jamais l'expérience de cette existence.

374 pages, 1958, collection Folio

dimanche 17 juin 2012

Bifrost n°66 Spécial Isaac Asimov


Isaac Asimov ... ah, nostalgie ... C'est à lui que je dois mes premières lectures de science fiction, grâce à de vielles éditions de quelques uns de ses recueils de nouvelles, comme par exemple L'avenir commence demain ou La voie martienne. J'étais encore tout petit, mais Asimov ne faisait pas mentir sa réputation d'auteur idéal pour s'initier à la SF : j'adorais ! Je lui dois aussi un de mes plus beaux souvenirs de lecture grâce aux 5 tomes de Fondation, cycle passionnant qui m'a fait définitivement entrer dans le monde tout aussi passionnant de la SF. Je n'ai plus beaucoup lu Asimov depuis, si ce n'est l'intéressant Les dieux eux mêmes, mais ... Bon, allez, j’arrête de raconter ma vie et je me penche sur ce numéro de Bifrost.

Comme toujours, on commence par quelques nouvelles. La première, écrite par la plume de Cory Doctorow, porte un nom aussi générique qu'adapté au sujet traité par le numéro : Les robots (2005). Le monde est divisé en deux zones en guerre l'une contre l'autre : l'Amérique du nord et l'Eurasie. Arturo est flic à Toronto, il aime bien mettre sa fille de 12 ans sur écoute pour veiller à sa sécurité, et n'hésite pas à la faire pister par un robot flic. C'est là tout l’intérêt de la nouvelle : son univers ultra technologique, avec ses robots respectant (ou pas) les 3 Lois, Harmonie Sociale, organisme au nom évocateur, ou encore ses IA amatrices de propagande. Bref, tout cela a du charme. D'un autre coté, l'écriture et assez banale, il y a les gentils et les méchants, et les personnages principaux forment une structure familiale (papa-maman-fifille) qui, au prix de quelques larmes, parviendra à se rapprocher à nouveau (chose qui m'exaspère particulièrement, mais c'est subjectif). Bref, une nouvelle sympathique mais sans plus.

Bien sur, ce numéro de Bifrost se devait de comporter quelques textes d'Asimov lui même. Quel dommage ! (1989) est qualifié en préface "d'anecdotique" (au moins, on ne peut pas reprocher à Bifrost son manque de franchise). En effet, ce texte est extrêmement court (8 pages) et pas vraiment marquant. Cette histoire de nanotechnologie (et de robots, bien sur) a cependant réussit à me surprendre, la fin n'étant pas celle que j'avais cru deviner pendant ma lecture. Les visions du robot (1990) est un peu plus dense, aborde le thème du voyage dans le temps, et pose la question suivante : et si les robots méritaient la vie plus que nous ? Après tout, qui sait s'ils ne nous survivront pas, et sauront réaliser une utopie que les hommes n'ont jamais su faire sortir de la sphère de l'imaginaire ...

Je n'ai pas de commentaire à apporter sur la partie "Ballades sur l'arc" (les critiques des dernières sorties), mais je tenais à signaler la courte interview d'un libraire spécialisé dans l'imaginaire, qui "se nourrit" de sa passion mais n'en vit pas, que j'ai trouvé particulièrement intéressante. Maintenant, le gros morceau : le dossier consacré à Isaac Asimov ! Un article introductif s'attaque tout d'abord à estomper l'aura mystique que le lecteur pourrait associer à Asimov, à "mettre les points sur les i". Bonne façon de commencer, très critique et instructive. L'article suivant, très court, nous conte la façon dont Asimov a toujours refusé de venir en France, malgré les invitations répétées de Philippe Hupp, qui nous détaille pour notre plus grand plaisir un diner avec l'auteur.

Vient ensuite un long article signé par Asimov lui même, écrit en 1989, dans lequel il détaille sa vision du robot et passe en revue ses textes sur le sujet. C'est l'occasion de bien se rendre compte que le gentleman avait une assez haute opinion de lui même, et n'essayait pas vraiment de le cacher, l'article débordant en effet d'autosatisfaction. Il n'oublie pas de soulier plusieurs fois qui a inventé le mot "robotique", que les 3 Lois jouissent d'une énorme renommée ou encore que de nombreux roboticiens ont été inspirés par son œuvre. Au delà de ces aspects, il est quand même intéressant d'avoir l'avis du principal intéressé dans un dossier qui lui est consacré. Et dans les pages qui suivent, on a doit à une opinion bien différente sur la saga des robots, qui se fait joyeusement massacrer (ou presque), arguments à l'appui. On retrouve le même schéma pour Fondation : un texte d'Asimov suivi d'une étude critique, cette fois plus positive. L'article suivant est consacré a la partie de l’œuvre d'Asimov proche du polar, intéressant mais un peu long à mon gout (14 pages). Suivent un guide de lecture comprenant quelques critiques de livres d'Asimov non étudiés précédemment, un article de l'auteur nommé "De l'intrigue" et une étude de la psychohistoire.

Bref, on a là un numéro de Bifrost plus qu’honnête, malgré des nouvelles pas inoubliables, et 190 pages ne sont pas de trop pour s'attaquer au géant qu'est Asimov. Je crois que je resterai sur mes souvenirs de jeunesse en ce qui le concerne, c'est à dire le considérer comme une porte d'entrée particulièrement agréable et intelligente dans la littérature et la SF. Pour en savoir plus, lisez Bifrost (et Fondation) !


mercredi 13 juin 2012

Légendes du mythe de Cthulhu Tome 2 - Lovecraft

Légendes du mythe de Cthulhu Tome 2 - Lovecraft

Ce recueil faisant directement suite à Légendes du mythe de Cthulhu tome 1, je vais plonger tout de suite au cœur du sujet.

  • Comme pour le premier tome, la nouvelle introductive est de Lovecraft. La chose des ténèbres (1936) ne fait pas parti des textes les plus connus de l'auteur, ce qui ne l’empêche pas d’être efficace. Encore une fois, le héros est un écrivain, et il se retrouve fasciné par un clocher qu'il aperçoit au loin depuis sa fenêtre. Attiré par une force irrésistible, il s'y rendra, et libérera malencontreusement un mal qui le poursuivra ...
  • Parmi les deux nouvelles suivantes écrites par la plume de Robert Bloch, L'ombre du clocher (1951) occupe une place particulière puisqu'elle fait directement suite à La chose des ténèbres de Lovecraft. Au delà de son déroulement somme toute classique, cette histoire a pour qualité de proposer une confusion très agréable entre la réalité et le mythe lovecraftien. Lovecraft joue dans cette nouvelle son propre rôle, sa mort (réelle) est même évoquée, et ses écrits ne sont donc pas de la fiction mais l'horrible vérité à peine romancée ... Intégrer ainsi à la fois fiction et réalité qui s'entrecroisent dans une autre fiction est une technique courante mais très intéressante de ce type de récit, d'autant plus qu'on imagine sans peine le plaisir que prenaient les auteurs à brouiller les pistes. L'histoire évoque aussi une préoccupation de son époque : la menace nucléaire. Manuscrit trouvé dans une maison abandonnée (1951), dont le titre me rappelle Manuscrit trouvé dans une bouteille de Poe, est l'histoire à la première personne d'un gamin de 12 ans qui à la mort de sa grand mère se trouve contraint d'aller habiter avec son oncle et sa tante dans un coin paumé. Et sa grand mère l'avait prévenu : il rode dans ces bois des choses pas très humaines. La nuit du sabbat approche, et ces habitants des bois et des sous sols pourraient bien avoir besoin de bétail à sacrifier ... J'ai beaucoup aimé cette nouvelle, elle n'en montre ni n'en dit trop, et le point de vue adopté (celui de l'enfant) donne autant un sentiment de fraicheur que de vulnérabilité. Les rites païens perpétrés au cœur de sombres contrées dans le but d'invoquer de terribles entités, ça a toujours son charme, et Robert Bloch s'en tire ici à merveille.
  • Dans L'abomination de Salem (1937), Henry Kuttner nous propose encore un héros écrivain qui, cherchant le calme pour se consacrer à l’écriture de son prochain roman, emménage dans une maison ayant appartenu à une (méchante) sorcière. Il découvrira bientôt dans la cave une pièce secrète qui exercera sur lui une attraction particulière ... Une nouvelle sympathique, sans plus. Cependant, un détail est intéressant : si au début le héros est un auteur de romans populaire, après son aventure ses écrits ne seront plus consacrés qu'au surnaturel et a l'effroyable, a l'horrible et au morbide, à l'image donc des nouvelles que l'avide lecteur dévore dans ce recueil ... 
  • La chose dans le cimetière de J. Vernon Shea nous parle également d'une maison disposant d'un mystérieux passage secret. Mais l'élément principal est bien sur le cimetière en question, avec lequel le héros entretient une relation étrange. Un récit agréable mais pas très marquant, à noter qu'on retrouve à nouveau Lovecraft dans son propre rôle d'écrivain.
  • Avec Sueurs froides (1969) de J. Ramsey Campbell, on retrouve hélas une autre nouvelle assez anecdotique. Celle ci a pour particularité de proposer un personnage principal avec une personnalité, chose très rare chez Lovecraft et ses imitateurs, mais cela ne la sauve pas pour autant de la banalité.  En l’occurrence, le héros en question est "hypocrite" et pervers, mais on ne va pas demander à ce genre de récit de nous proposer des personnages joyeux et heureux.
  • Par la suite, Brian Lumley semble enfin apporter un peu d'originalité avec La cité sœur (1969). Cette nouvelle nous fait suivre le parcours d'un jeune homme un peu spécial qui parcourt le monde à la recherche de citées disparues. Il nage dans l'eau comme un poisson, et parle de multiples langues sans les avoir jamais étudiées. Pas très humain tout ça ... Un bon récit qui change agréablement de tout ceux qui précèdent. Le rempart de béton (1969), du même auteur, reprend une trame plus classique, celle d'un homme ayant été dans un endroit obscur du globe et ramenant avec lui une malédiction qui va le poursuivre. En l’occurrence, la menace est de nature sismique, et cela contribue à rendre la nouvelle très plaisante. 
  • Ceux des profondeurs (1969) de James Wade  continue de nous apporter une originalité bienvenue. L'action se déroule dans une station de recherche sur les dauphins, et ces charmantes créatures vont s’avérer avoir des relations privilégiées avec un certain Cthulhu ... De plus, cette nouvelle intègre un élément absolument inédit dans le récit lovecraftien : un personnage féminin important ! Et, chose incroyable, une ébauche d'histoire d'amour ! L'histoire évoque même le mouvement hippie. Un chouette récit qui vous fera regarder d'un œil différent ces innocents mammifères marins. 
  • Le retour des Lloigoirs (1969) de Collin Wilson  constitue la nouvelle la plus longue du recueil, et une bonne conclusion pour celui ci. Le personnage principal parvient à déchiffrer ce qui semble être un morceau de l’original du Necronomicon ou un autre antique livre du genre, ce qui va l’amener à s'intéresser à d'anciennes légendes, notamment évoquées par Lovecraft ou Arthur Machen dans leurs écrits. C'est cela qui est intéressant dans ce récit : les hommes s’obstinent à ne pas croire toutes ces choses terribles et surnaturelles, ainsi ces auteurs évoquent la vérité de façon romancée, seule façon pour eux de ne pas être pris pour des fous ou des mystificateurs, ce qui arrive aux héros de cette nouvelle. En refermant les pages du recueil, on croirait presque que tout ce qu'on a lu là ne relève pas de la fiction ...

Au final, si ces deux tomes de Légendes du mythe de Cthulhu contiennent quelques textes sans grand intérêt, l'ensemble est plutôt convainquant. La mythologie qui se dessine là est un régal, et un point très intéressant de ce recueil est que nombre des nouvelles intègrent Lovecraft et son œuvre, ne le présentant pas comme un simple écrivain d'imaginaire mais comme un romancier ayant eu accès à des savoirs ancestraux. Sa plume ne dévoilerait-elle ainsi non pas un "mythe", mais une obscure vérité ? Voilà une mise en abime qui augmente encore plus le charme de Lovecraft et de son univers ...

314 pages, éditions Pocket



CITRIQ

samedi 9 juin 2012

La musique du hasard - Paul Auster


Paul Auster est un écrivain qui, si j'en juge par ma modeste lecture de ses livres (Le voyage d'Anna Blume, La trilogie New Yorkaise, et maintenant celui ci) a pour sujets de prédilection le vide, le hasard, la fuite, l'absurde. Et le baseball. Mis à part ce dernier point, qui heureusement ne prend guère de place dans son œuvre, je dois bien dire que les thèmes abordés par Paul Auster m'intéressent particulièrement.

La musique du hasard reprend exactement les idées citées précédemment, mais avec un important sujet supplémentaire : l'argent. Nashe est un ex-marié, sa femme l'a quittée. Nashe est un ex-père, il a confié sa fille à sa sœur. Nashe est un ex-sédentaire, il a touché un important héritage, et va utiliser cet argent pour errer sur les routes. Et du coup, Nashe quitte son métier, et devient un ex-pompier. La satisfaction d'une fuite sans fin, le plaisir apporté par le vide de la route défilant sous ses yeux, la joie de ne pas avoir d'obligations, Nashe connaitra tout cela pendant une année entière. Et la plume d'Auster captive. Mais vient le moment où Nashe, ses fonds dangereusement épuisés, fait une rencontre décisive. Il ramasse sur le bord de la route Pozzi, un jeune homme en bien mauvais état, qui se trouve être un joueur de poker qui gagne sa vie par les cartes. Pozzi a un gros coup de prévu, et il a besoin pour cela de 10000 dollars, somme qui correspond à peu près aux dernières économies de Nashe, qui va miser son avenir sur le talent de son nouveau compagnon ...

Bon, je ne pense pas vous surprendre en vous disant que cela ne se passera pas très bien. Cette partie de poker fatidique sera l’occasion de faire connaissance avec Flower et Stone deux nouveaux riches (mais vraiment très riches) symboles ultimes de la futilité, utilisant leur montagne d'argent à des fins qui prêteraient à sourire si cela ne représentait pas un tel gâchis. Car l'argent, c'est ce qui décide du sort des personnages : certains n'en n'ont pas, et sont esclaves de ceux qui en ont. Mais qu'est ce qui fait que certains sont riches et d'autres non ? Dans le livre d'Auster, c'est le hasard, qu'il prenne la forme d'un héritage, d'un billet de loterie ou d'un jeu de carte.

Lire La musique du hasard fut un vrai plaisir, tant Auster écrit bien, et tisse sa toile à travers les pages avec adresse et simplicité. Il est certain que Paul Auster, accompagné de ses histoires de vide et de fuite, se retrouvera à nouveau dans peu de temps au pied de mon lit.

224 pages, 1990, éditions Le livre de poche

mardi 5 juin 2012

Légendes du mythe de Cthulhu Tome 1 - Lovecraft

Lovecraft Légendes du mythe de cthulhu

Lovecraft est un écrivain assez unique, car sa création ne se résume pas à ses nombreuses nouvelles. Si son nom est devenu un adjectif, ce n'est pas pour rien : il a crée une ambiance, un univers, dans lequel l'homme n'est qu'une ombre passagère sur la terre, qui ne doit sa survie qu'au sommeil des forces antiques qui, tapies dans l’ombre, attendent leur heure. Sachant que son œuvre a toujours une influence énorme dans certains genres de musique, de cinéma, de littérature ou de jeu vidéo, il n'est pas étonnant que de nombreux écrivains aient pris possession de son univers pour le développer et y faire naitre leurs propres histoires. Ce sont donc ces nouvelles d'auteurs admirateurs et/ou amis de Lovecraft que nous propose ce premier tome des Légendes du mythe de Cthulhu.

  • Le premier texte est l'Appel de Cthulhu (1928), un grand classique de Lovecraft, assez adapté pour découvrir l'auteur. Comme souvent, c'est un personnage qui raconte ses horribles découvertes, son passage du scepticisme à la compréhension et au traumatisme que la vérité provoque. C'est l'occasion de faire connaissance avec Cthulhu, le plus célèbre des Grands Anciens. Un texte fondateur qui fait toujours son petit effet.
  • Suivent deux nouvelles de Clark Ashon Smith. La première, Talion (1931), est le récit à la première personne d'un homme qui est engagé comme secrétaire par un vieillard amateur de magie noire. Le vieil homme semble avoir très peur de quelque chose qui se ballade dans sa maison ... La seconde nouvelle, Ubbo-Sathla (1933), raconte l'aventure d'un curieux qui se retrouve en possession d'une pierre qui a le pouvoir de faire voyager l'esprit jusqu’à l'aube des temps. Deux textes sympathiques, le premier à mon sens plus que le second.
  • La nouvelle suivante est de Robert E. Howard, créateur entre autres de Conan et de Solomon Kane. La pierre noire (1931) nous transporte dans un coin reculé d’Europe de l'est où un héros un peu trop curieux va être confronté à un étrange et effrayant culte ... Encore un texte très efficace.
  • Les deux nouvelles suivantes sont de Frank Belknap Long. Dans Les chiens de Tindalos (1929), un homme décide de s'aider d'une drogue pour explorer une nouvelle dimension qui lui apportera une connaissance surhumaine et le fera sortir du temps. Mais quelque chose l'a suivit à son retour ... Une nouvelle très intéressante, mais il me semble avoir lu une histoire de Lovecraft très semblable. Dans Les mangeuses d'espace (1928), deux amis, dont un écrivain de récits d'horreur en pleine crise stylistique, seuls dans leur maison, sont confrontés à un mal étrange. Un voisin ayant fait une atroce rencontre vient les voir, et ils seront alors servis en horreur. Ils poursuivront leur aventure dans la nuit noire, face à d'étranges créatures ... Une excellente nouvelle, dommage que la fin ne soit pas à la hauteur du développement. 
  • Ensuite, on a encore droit à un duo de nouvelles, cette fois écrites par August Derleth, qui est également l'auteur de la préface du recueil. L'habitant de l'ombre est un récit réussi : près d'un lac mystérieux, dans une forêt toute aussi mystérieuse, des rumeurs évoquent une mystérieuse (oui, encore) créature, et un savant décide d'aller habiter dans une cabane du coin pour en avoir le cœur net. Mais après quelques temps, il ne donne plus signe de vie, et deux compagnons vont enquêter sur place. Ce récit propose une mise en abime intéressante et très bien intégrée : les personnages se réfèrent aux écrits de Lovecraft pour tenter de comprendre les noirs mystères auxquels ils sont confrontés. En dehors de ça, si la nouvelle est certes très plaisante on lire, on commence à ressentir la répétition des codes du genre, qui poussent à des situations finalement assez semblables et à une surenchère dans les descriptions qui commence à se remarquer au bout de plusieurs nouvelles. Hélas, dans Au-delà du seuil (1941), cette tendance ne fait que s'accroitre, l'histoire reprenant en effet énormément d'aspects de la nouvelle précédente et s’effondrant sous un manque d'originalité flagrant.  
  • Heureusement, Le tueur stellaire, de Robert Bloch, conclut de façon admirable ce recueil. Un écrivain en quête de bizarre et d'étrange déniche un mystérieux livre, De Vermis Mysteriis, et décide pour le déchiffrer de faire appel à ... Lovecraft ! Son nom n'est pas évoqué, mais on comprend bien que c'est lui qui se cache derrière ce "rêveur mystique" de Providence. Une nouvelle courte mais très réussie.

Pour conclure, je dirai que ce premier tome de Légendes du mythe de Cthulhu passe par des hauts et des bas, mais reste une lecture très plaisante pour les amateurs de Lovecraft. Cependant, le récit lovecraftien a tendance à se nourrir de codes et d'un style très définis, ce qui crée une certaine sensation de répétitivité, c'est pourquoi je vais faire une petite pause littéraire avant d'attaquer le second tome.

253 pages, éditions Pocket

CITRIQ

samedi 2 juin 2012

Prometheus - Ridley Scott

Prometheus
 Normalement, cet article ne contient pas de spoil majeur. 
Petit historique de la saga Alien pour ceux qui ne connaissent pas : 
- Alien, le huitième passager - Ridley Scott - 1979 
- Aliens le retour - James Cameron - 1986
- Alien 3 - David Fincher - 1992 
- Alien Resurrection - Jean-Pierre Jeunet - 1997

Si comme moi vous adorez la saga Alien, vous deviez attendre avec une certaine impatience Prometheus, qui entretient avec cette saga un lien particulier puisqu'il est à la fois un préquel et le premier film de science fiction de Ridley Scott depuis Alien, le huitième passager en 1979 et Blade Runner en 1982, deux classiques du genre. Passons rapidement sur la 3D : elle n'est ni bonne ni mauvaise, c'est à dire qu'à quelques exceptions près elle n'est pas très utile, mais elle est très propre et heureusement sait se faire oublier.

Dès les premières secondes du film, on est frappé par la beauté de l'image. De magnifiques paysages islandais défilent sous nos yeux, et heureusement, la suite est de la même veine. Prometheus offre des décors de toute beauté, aussi bien en intérieur qu'en extérieur, et reprend judicieusement l'héritage de Giger qui a grandement contribué à donner son charme à la saga Alien, j'y reviendrait plus loin. Même chose pour le cadrage, tout est merveilleusement fait pour que l'on oublie que ce n'est qu'un film. Au niveau du scénario, le film nous propose de partir bien loin de notre terre, à la recherche de ceux qui semblent être à l’origine de l'humanité, nos créateurs, les "Architectes". Ces dernier vont-ils apporter à l'homme les réponses tant espérées aux grandes questions du sens de la vie ? Vont-ils lui offrir l'immortalité ? Nous retrouvont également un thème cher a la saga Alien, celui de la nature de l’androïde, l'homme artificiel. Ainsi, ceux qui partent chercher leur créateur le font avec le soutien de leur création, mise en abime intéressante. Et bien sur, même si Prometheus ne fait  malheureusement absolument pas peur, il reste un film orienté horreur, et offre quelques scènes assez saisissantes dans ce registre. Tout cela représente un panel assez important de sujets à traiter, ce qui qui fait courir au film le risque de s'éparpiller et de ne pas pouvoir tous les traiter pleinement. Et c'est hélas ce qui arrive. Mais dans l'ensemble, cela fonctionne plutôt bien, ce n'est donc pas dramatique. Et si Ridley Scott ne révolutionne pas le genre comme l'a fait le premier Alien, il a gardé la volonté de ne pas trop en montrer. Cette retenue donne véritablement l'impression d'un film maitrisé (ou presque).

Prometheus Giger

Quand à eux, les personnages ont un peu trop tendance à souffrir du syndrome commun des films d'horreur, c'est à dire qu'on a l'impression qu'ils n'en ont jamais vus. Certains sont de vrais touristes. Je me pose sur une planète inconnue, il fait bientôt nuit, et au lieu de collecter des renseignements sur mon environnement en attendant le matin suivant, je lance aussitôt une expédition. Il semble que l'air du coin soit respirable, je n'attend pas des analyses supplémentaires et je n'ai pas peur des microorganismes potentiellement dangereux, j'enlève mon casque. C'est moi qui ai cartographié les lieux, mais j'arrive a me paumer dans trois couloirs. Je vois une créature extraterrestre inconnue, je la trouve mignonne alors je m'approche pour la caresser. Les exemples de ce type ne manquent pas, et ils nuisent à l'immersion. En effet, on pourrait croire que quand on investit mille milliards de dollars dans une mission à des années lumières de la terre, on évite de recruter des gens qui se baladent dans le vaisseau une bouteille d'alcool à la main. Heureusement, les trois principaux rôles sont bien plus convaincants. Michael Fassbender est parfait en androïde ambigu, Noomi Rapace, que l'on peut qualifier de personnage principal, très convaincante en scientifique qui a de la ressource (contrairement à son copain, assez insupportable), et Charlize Theron fait une très bonne chef presque plus glaciale et rigide que l'androïde.

Prometheus dure deux heures, et je ne les ai pas vu passer, ce qui est très bon signe. Et c'est un fait, la magie opère, on est embarqué dans cette aventure comme un alien est aspiré dans l'espace par une dépressurisation. Pourtant, on a l’impression que le film vers sa moitié a subit un montage qui a laissé des cicatrices, dans le but de le raccourcir. Après un nœud dramatique impliquant un certain nombre de personnages, il m'a semblé qu'un bout manquait. En effet les personnages reprennent ensuite les choses sans explication comme si ce nœud n'avait pas eu lieu, ce qui est assez déstabilisant. Peut être aurons nous droit un jour comme pour Aliens : le retour et Alien 3 à une version longue, ou alors c'est moi qui ai manqué quelque chose dans le film. A propos de manque d'explications, n’espérez pas avoir beaucoup de réponses aux questions posées. Cela peut donner l'impression que les thèmes se sont pas traités jusqu'au bout, mais dans un film faisant autant parti du genre "imaginaire", il est important de faire marcher celui du spectateur, et ne pas lui donner toutes les clés contribue à le transformer en acteur. Bon, c'est quand même un peu frustrant. Et en ce qui concerne le rapprochement avec la saga Alien, il se retrouve peut être plus dans l'esthétique et la construction du film que dans son histoire, même si les "Architectes" étaient déjà indirectement au cœur du premier Alien. On a même droit à un lieu qui rappelle très fortement la scène de la découverte de œufs dans Alien, le huitième passager. La tentative d'explication de l'origine des aliens est un peu étrange, mais le spectateur est libre de ne pas se contenter de cette réponse.

Prometheus Giger
Prometheus Giger












Je tenais à parler de l'influence considérable de l'artiste suisse H.R. Giger dans la saga Alien, et par conséquent dans Prometheus, qui reprend beaucoup de ces codes visuels. C'est à lui que l'on doit le design de l'alien, mais aussi l’esthétique biomécanique de l'architecture des constructions organiques des aliens et des bâtiments et vaisseaux des "Architectes". Cette architecture est en effet a mon sens une originalité et une profonde réussite autant pour la saga Alien que pour Prometheus grâce à son coté profondément inhumain, qui, sans artifices, nous fait sentir que les hommes n'ont clairement pas leur place dans ces lieux. Sans parler de leur capacité à créer l'oppression. Quand on connait un peu l’œuvre de Giger, on se rend également compte du caractère très sexuel de l'alien, autant au niveau du design que du comportement. Car pour se reproduire, l'alien a besoin de pénétrer l'homme pour l'utiliser comme mère porteuse, et cette notion de violence extrême qui utilise la mort pour fait naitre la vie se retrouve dans Prometheus.

Au final, j'ai peut être beaucoup critiqué Prometheus, mais je suis bien content d'avoir été le voir, malgré son scénario décevant. L'amateur de science fiction et d'ambiances malsaines qui est en moi est parfaitement comblé. Je n'ai pas vu le temps passer, l'image est splendide et le scénario intéressant (mais inabouti, autant par faute de temps que par volonté de rester mystérieux). Prometheus est-il la première pierre d'une nouvelle saga ? La fin très ouverte le laisse présager. Ces éventuelles suites seront-elles dirigées elles aussi par Ridley Scott ou comme pour la saga Alien par un nouveau réalisateur de talent à chaque fois ? Le temps nous le dira, ne reste plus qu'a espérer que cette éventuelle future saga Prometheus sera à la hauteur de la quadrilogie Alien. Bonne chance à ceux qui s'en chargeront pour relever ce défi. Il faut juste qu'ils pensent à changer de scénariste.

PS : j'ai appris par la suite que le sénariste de Prometheus avait travaillé sur Lost, ce qui explique un peu le coté souvent WTF de l'histoire. De plus, le film aurait été sauvagement coupé en Europe pour être plus court et moins violent. Dommage ...

PS2 : avec un peu plus de recul, je me compte qu'écrire sur un film en revenant du ciné n'est pas une bonne idée. Malgré son esthétique réussie, le film est assez mauvais, du moins dans le montage cinéma. J'ai été bien trop gentil.