mercredi 13 juin 2012

Légendes du mythe de Cthulhu Tome 2 - Lovecraft

Légendes du mythe de Cthulhu Tome 2 - Lovecraft

Ce recueil faisant directement suite à Légendes du mythe de Cthulhu tome 1, je vais plonger tout de suite au cœur du sujet.

  • Comme pour le premier tome, la nouvelle introductive est de Lovecraft. La chose des ténèbres (1936) ne fait pas parti des textes les plus connus de l'auteur, ce qui ne l’empêche pas d’être efficace. Encore une fois, le héros est un écrivain, et il se retrouve fasciné par un clocher qu'il aperçoit au loin depuis sa fenêtre. Attiré par une force irrésistible, il s'y rendra, et libérera malencontreusement un mal qui le poursuivra ...
  • Parmi les deux nouvelles suivantes écrites par la plume de Robert Bloch, L'ombre du clocher (1951) occupe une place particulière puisqu'elle fait directement suite à La chose des ténèbres de Lovecraft. Au delà de son déroulement somme toute classique, cette histoire a pour qualité de proposer une confusion très agréable entre la réalité et le mythe lovecraftien. Lovecraft joue dans cette nouvelle son propre rôle, sa mort (réelle) est même évoquée, et ses écrits ne sont donc pas de la fiction mais l'horrible vérité à peine romancée ... Intégrer ainsi à la fois fiction et réalité qui s'entrecroisent dans une autre fiction est une technique courante mais très intéressante de ce type de récit, d'autant plus qu'on imagine sans peine le plaisir que prenaient les auteurs à brouiller les pistes. L'histoire évoque aussi une préoccupation de son époque : la menace nucléaire. Manuscrit trouvé dans une maison abandonnée (1951), dont le titre me rappelle Manuscrit trouvé dans une bouteille de Poe, est l'histoire à la première personne d'un gamin de 12 ans qui à la mort de sa grand mère se trouve contraint d'aller habiter avec son oncle et sa tante dans un coin paumé. Et sa grand mère l'avait prévenu : il rode dans ces bois des choses pas très humaines. La nuit du sabbat approche, et ces habitants des bois et des sous sols pourraient bien avoir besoin de bétail à sacrifier ... J'ai beaucoup aimé cette nouvelle, elle n'en montre ni n'en dit trop, et le point de vue adopté (celui de l'enfant) donne autant un sentiment de fraicheur que de vulnérabilité. Les rites païens perpétrés au cœur de sombres contrées dans le but d'invoquer de terribles entités, ça a toujours son charme, et Robert Bloch s'en tire ici à merveille.
  • Dans L'abomination de Salem (1937), Henry Kuttner nous propose encore un héros écrivain qui, cherchant le calme pour se consacrer à l’écriture de son prochain roman, emménage dans une maison ayant appartenu à une (méchante) sorcière. Il découvrira bientôt dans la cave une pièce secrète qui exercera sur lui une attraction particulière ... Une nouvelle sympathique, sans plus. Cependant, un détail est intéressant : si au début le héros est un auteur de romans populaire, après son aventure ses écrits ne seront plus consacrés qu'au surnaturel et a l'effroyable, a l'horrible et au morbide, à l'image donc des nouvelles que l'avide lecteur dévore dans ce recueil ... 
  • La chose dans le cimetière de J. Vernon Shea nous parle également d'une maison disposant d'un mystérieux passage secret. Mais l'élément principal est bien sur le cimetière en question, avec lequel le héros entretient une relation étrange. Un récit agréable mais pas très marquant, à noter qu'on retrouve à nouveau Lovecraft dans son propre rôle d'écrivain.
  • Avec Sueurs froides (1969) de J. Ramsey Campbell, on retrouve hélas une autre nouvelle assez anecdotique. Celle ci a pour particularité de proposer un personnage principal avec une personnalité, chose très rare chez Lovecraft et ses imitateurs, mais cela ne la sauve pas pour autant de la banalité.  En l’occurrence, le héros en question est "hypocrite" et pervers, mais on ne va pas demander à ce genre de récit de nous proposer des personnages joyeux et heureux.
  • Par la suite, Brian Lumley semble enfin apporter un peu d'originalité avec La cité sœur (1969). Cette nouvelle nous fait suivre le parcours d'un jeune homme un peu spécial qui parcourt le monde à la recherche de citées disparues. Il nage dans l'eau comme un poisson, et parle de multiples langues sans les avoir jamais étudiées. Pas très humain tout ça ... Un bon récit qui change agréablement de tout ceux qui précèdent. Le rempart de béton (1969), du même auteur, reprend une trame plus classique, celle d'un homme ayant été dans un endroit obscur du globe et ramenant avec lui une malédiction qui va le poursuivre. En l’occurrence, la menace est de nature sismique, et cela contribue à rendre la nouvelle très plaisante. 
  • Ceux des profondeurs (1969) de James Wade  continue de nous apporter une originalité bienvenue. L'action se déroule dans une station de recherche sur les dauphins, et ces charmantes créatures vont s’avérer avoir des relations privilégiées avec un certain Cthulhu ... De plus, cette nouvelle intègre un élément absolument inédit dans le récit lovecraftien : un personnage féminin important ! Et, chose incroyable, une ébauche d'histoire d'amour ! L'histoire évoque même le mouvement hippie. Un chouette récit qui vous fera regarder d'un œil différent ces innocents mammifères marins. 
  • Le retour des Lloigoirs (1969) de Collin Wilson  constitue la nouvelle la plus longue du recueil, et une bonne conclusion pour celui ci. Le personnage principal parvient à déchiffrer ce qui semble être un morceau de l’original du Necronomicon ou un autre antique livre du genre, ce qui va l’amener à s'intéresser à d'anciennes légendes, notamment évoquées par Lovecraft ou Arthur Machen dans leurs écrits. C'est cela qui est intéressant dans ce récit : les hommes s’obstinent à ne pas croire toutes ces choses terribles et surnaturelles, ainsi ces auteurs évoquent la vérité de façon romancée, seule façon pour eux de ne pas être pris pour des fous ou des mystificateurs, ce qui arrive aux héros de cette nouvelle. En refermant les pages du recueil, on croirait presque que tout ce qu'on a lu là ne relève pas de la fiction ...

Au final, si ces deux tomes de Légendes du mythe de Cthulhu contiennent quelques textes sans grand intérêt, l'ensemble est plutôt convainquant. La mythologie qui se dessine là est un régal, et un point très intéressant de ce recueil est que nombre des nouvelles intègrent Lovecraft et son œuvre, ne le présentant pas comme un simple écrivain d'imaginaire mais comme un romancier ayant eu accès à des savoirs ancestraux. Sa plume ne dévoilerait-elle ainsi non pas un "mythe", mais une obscure vérité ? Voilà une mise en abime qui augmente encore plus le charme de Lovecraft et de son univers ...

314 pages, éditions Pocket



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