lundi 16 avril 2018

The iron heel - Jack London


The iron heel - Jack London

Comme l'indique la quatrième de couverture, The iron heel est un mélange de SF dystopique de de tract socialiste radical. Jack London connait bien les franges les plus défavorisées de la société industrielle, comme en témoigne Le peuple de l'abime, paru quelques années auparavant, en 1903. Dans The iron heel, il imagine la montée en puissance d'une oligarchie qui utilise la violence pour consolider sa position, s'assurer le pouvoir, tout en écrasant la majorité de la population sous le fameux talon de fer métaphorique. Les oligarques, ce sont les riches, les industriels, en un mot : les capitalistes.

Le roman est raconté par Avis, la femme d'Ernest Everhard, héros de la révolution qui passe son temps à discourir sur les bienfaits du socialisme et à organiser la révolte du prolétariat. Avis est béatement amoureuse de son révolutionnaire et ne cesse pas de le glorifier. Au début, Ernest passe beaucoup de temps à parler à Avis, à des membres du clergé et à de petits capitalistes pour les convaincre des bienfaits du socialisme. C'est à mon sens la partie la plus intéressante. La rhétorique d'Ernest (c'est à dire, je suppose, la rhétorique de London) est loin d'être sans failles, mais je ne prétends faire une analyse de la théorie socialiste du début du vingtième siècle. Ce qui fonctionne, c'est quand Ernest ouvre les yeux de certaines personnes qui jouissaient d'une place privilégiée dans la société sans comprendre sur quoi s'appuyaient ces privilèges. C'est la cas d'Avis : influencée par Ernest, elle va enquêter pour comprendre d'où viennent les dividendes que touche son père. Et, sans surprise, sa richesse est bâtie sur l'exploitation d'ouvriers traités comme des esclaves. Et ce n'est pas tout : tous les humains qui forment la société sont, indirectement, les esclaves du capital. Ernest va aussi faire voir la vérité à un évêque qui se contentait auparavant de sermonner naïvement tout en habitant dans un palais sans avoir le moindre lien avec le monde réel. Et, dès qu'il tente de sermonner avec un peu plus de piquant, c'est à dire à encourager les valeurs chrétiennes au détriment des valeurs des classes dominantes, il est frappé par les représailles du statu quo. Ces sujets fonctionnent encore très bien : comment s'organisent les forces qui forment la société, et comment les forces dominantes maintiennent leur poigne ? Face au discours d'Ernest, ceux qui acceptent d'ouvrir les yeux sont minoritaires. La plupart se trouvent des excuses pour conserver leur place avantageuse ou s'illusionnent sur leurs capacités à revenir vers un passé meilleur. Cette partie du roman culmine dans une confrontation entre Ernest et l'oligarchie. Ernest s'est fait invité dans un club très select qui imagine se jouer de ce petit leader socialiste, mais il les écrase avec son verbe. Confronté aussi directement, l'oligarchie finit par tomber le masque : « We are in power. Nobody will deny it. By virtue of that power we shall remain in power. » Voilà qui me semble d'une intemporalité frappante.

Puis l'oligarchie devient violente et totalitaire, et le roman devient dans sa seconde partie une dystopie assez moyenne. Les oppresseurs capitalistes écrasent les gentils socialistes qui travaillent à sainte révolution : Jack London n'est pas très subtil. Il oublie aussi toute notion de progrès et de changement technologique, on a l'impression que le monde reste figé pendant les trois siècles que tient le talon de fer. Je noterais juste un changement d’idéologie significatif qui intervient dans les rangs de l'oligarchie :  si à la base le pouvoir est une fin en soi, ils se construisent ensuite un système de croyance qui justifie leurs actions, qui les place en défenseurs de la civilisation face aux hordes sauvages du prolétariat.

Un roman à placer dans sa bibliothèque à côté de Ayn Rand, pour rigoler.

251 pages, 1908, penguin

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