jeudi 31 août 2017

Malevil - Robert Merle


Malevil - Robert Merle

Du post-apocalyptique écrit par un auteur à la bibliographie très variée. Pendant les soixante premières pages, j'avais quelques doutes. Le narrateur, Emmanuel, s'attarde longuement sur son enfance à la campagne et ce qui l'a amené à faire l’acquisition du château de Malevil. C'est une entrée en matière un peu trop longue à mon goût. Mais dès que les événements commencent à se précipiter, mes doutes s'évanouissent. La scène de l'explosion atomique, dans laquelle Emmanuel et ses potes sont par chance enfermés dans la cave de Malevil, est excellente. La chaleur assommante, la proximité de la mort, la difficulté d'accepter le nouvel ordre des choses... Tout est fort bien amené et développé.

Et le roman continue sur cette lancée en enchaînant avec brio les classiques du genre : nouvelle organisation sociale, quête de nourriture, lutte contre les bandes de pillards... Pourtant, le vrai sujet du roman me semble être le leadership. Emmanuel est un vrai Machiavel. Il manipule tout le monde avec une aisance déconcertante, retournant toutes les situations dangereuses avec quelques belles phrases et une poignée de coups tordus. Du coup, Malevil ressemble dans l'ensemble à un roman sur l'art de gouverner, l'art d'être un chef. Robert Merle réussit en bonne partie sur ce point, les manigances d'Emmanuel étant assez croustillantes. Dommage que du coup tout semble si facile. Emmanuel est tellement fort, tout le monde l'aime tellement, jusqu'au culte de personnalité, que la petite communauté qui se forme à Malevil se joue des obstacles les plus difficiles. La vie n'y est jamais vraiment dure, les gens ne semblent jamais manquer de rien. Il y aurait aussi beaucoup à écrire sur la place des femmes dans ce roman. Elles sont le plus souvent représentées comme des pestes qui se combattent pour la « domination » à la manière d'un troupeau d'animaux, et le narrateur ne manque pas de souligner à quel point il est plaisant de se retrouver « entre hommes ». Soulignons aussi le caractère campagnard de Malevil. Les personnages sont en bonne partie des paysans, plombiers ou charpentiers qui parlent patois, sont attachés à la religion et hostiles aux étrangers. Un cadre bien exploité par l'auteur mais qui contribue à la domination totale d'Emmanuel, jusqu'à ce que les autres personnages ne ressemblent plus qu'à du bétail soumis à un divin berger.

636 pages, 1972, folio

mercredi 16 août 2017

The day of the triffids - John Wyndham

The day of the triffids - John Wyndham


Avec un tel titre et une telle couverture, on imagine se trouver face une histoire d'invasion, des hordes de monstrueuses plantes submergeant l'humanité. Si les triffides sont bien ce genre de créature, elles ne sont pas réellement au cœur du récit. En fait, The day of the triffids est surtout proche de la vision moderne du genre zombie : l'humanité sombre dans le chaos et les zombies/triffides sont certes une menace sérieuse, mais l'intérêt se trouve surtout dans la façon dont les humains, individus comme groupes, font face à la situation et interagissent entre eux. De la même façon que les zombies sont stupides mais têtus et nombreux, les triffides inquiètent par leur entêtement et leur nombre.

Comme pour bien souligner dès le début que les triffides ne sont qu'une menace de fond, tout le premier chapitre est consacré à la véritable cause du chaos : une étrange comète lumineuse rend du jour au lendemain l'immense majorité de l'humanité aveugle. A moins que ce ne soit pas une comète, mais un dysfonctionnement des multiples armes de destruction massive qui trainent en orbite... Quoi qu'il en soit, le narrateur est épargné et, avec quelques autres, tente de survivre et de sauver ce qui peut l’être de la civilisation. Quant aux triffides, on apprend dans le premier chapitre qu'elles sont en fait sur Terre depuis un moment et, bien que dangereuses, elles font partie du paysage. Le problème, c'est que la société humaine qui les cultivait abondamment pour leur huile n'est plus là pour les tenir en laisse.

Les scènes du début se déroulant à Londres rappellent 28 jours plus tard. Des hordes d'aveugles errent dans les rues, pleurant de désespoir, se cognant maladroitement aux murs, pendant que le narrateur se fraie un passage parmi eux, bien conscient de son incapacité à les sauver. Puis viennent la faim et la maladie. L'homme redevient un loup pour l'homme, et les aveugles chassent les voyants pendant que ceux-ci tentent de s'organiser de façons diverses. Si le roman commence avec beaucoup d'humour, il s'enfonce rapidement dans la noirceur voire le morbide. Les ébauches de société s'effondrent pour la plupart, victimes des dures circonstances ou de leurs propres aveuglements idéologiques, aveuglements qui n'ont rien à voir avec le fait d'avoir des yeux fonctionnels. Certains s'accrochent désespérément aux anciennes traditions, d'autres choisissent de s'isoler en micro-communautés repliées sur elles-mêmes. Ceux qui voient à plus grande échelle tentent de fonder un système féodal et se tournent à nouveau vers la terrible notion d'honneur national, et les plus pragmatiques font table rase des systèmes de valeur du passé pour s'adapter rationnellement au nouvel ordre des choses. Le narrateur, quant à lui, se trouve sans surprise une copine. Mais cette relation est étonnamment bien menée : les personnages ne se lamentent guère, ils sont plein de ressources et font leur possible pour survivre en prenant des décisions logiques, et les quelques passages plus calmes et introspectifs sont habilement menés.

The day of the triffids parvient à s'imposer comme un récit apocalyptique d'une rare efficacité, mature, sombre et captivant. La modération dont fait preuve l'auteur dans l'usage de ses monstres, les triffides, est remarquable : Wyndham fait le choix clair de ne pas faire un simple roman d'aventure, mais d'explorer la désintégration de l'édifice sociétal humain. Un classique précurseur.

Petit détail : dans mon édition, qui est celle visible ci-dessus mais marquée par le temps, les pages entre la 176 et la 193 sont... inexistantes. Pas arrachées ou détachées, non, juste absentes. Du coup, j'ai en partie lu le livre en version pdf, aisément disponible sur la toile.
272 pages (théoriquement), 1951, penguin books

dimanche 13 août 2017

Le désert des tartares - Dino Buzzati


Le désert des tartares - Dino Buzzati

Le jeune Giovani Drogo sort tout juste de l'école militaire. Il rêve de gloire, mais se retrouve affecté dans un fort isolé et un peu minable, un fort dont la mission est de surveiller une frontière morte. Il y a une belle vue sur le désert des tartares, dans lequel il ne se passe pas grand chose. En fait, il ne s'y passe vraiment rien. A tel point que le moindre détail, le moindre petit point qui semble vaguement se déplacer à l'horizon, prend des proportions énormes et nourrit l’imagination et les fantasmes des soldats pendant des années entières. Confronté à un tel environnement, le premier mouvement de Drogo est la fuite. Mais, finalement, il se retrouve englué dans le fort pour la vie entière.

Car Drogo espère. Il se croit proche de son heure de gloire : une bonne petite bataille où il pourra briller. Ce rêve, accompagné de la terrible emprise de l'habitude et de l'imperceptible mais inévitable passage du temps, lui fait accumuler les décennies dans l'attente. Et quand il tente de se réintégrer au monde classique, celui des villes, il se rend compte que le monde ne l'a pas attendu, le monde n'a pas besoin de lui. Se refaire des amis, rencontrer des gens, se trouver une nouvelle place, se serait difficile. Alors que là-bas, sur la frontière, la gloire peut surgir à tout moment, il suffit peut-être d'attendre encore un tout petit peu... Et la vie glisse toujours plus vite, les jours s'envolent à un rythme toujours plus effréné. C'est un roman de la condition humaine, pas moins, et un roman écrit avec une plume remarquable. Buzzati est comparé à Kafka dans le synopsis, mais il est beaucoup plus sobre : tous les événements décris sont parfaitement crédibles. L'absurde se glisse dans le quotidien, l'absurde est le quotidien, et l'esprit humain se raccroche à la moindre miette de signification pour y pallier. Et quelle tristesse que la quête de sens se porte, entre toutes choses possibles, sur l’espoir d'une guerre, l'espoir de pouvoir verser du sang et récolter de la gloire. Un roman brillant.

242 pages, 1938, le livre de poche

samedi 12 août 2017

Marche ou crève - Stephen King


Marche ou crève - Stephen King

Dans des USA soumis à une dictature militaire est organisée la longue marche. Cent jeunes hommes  de moins de 18 ans, tous volontaires, partent un matin pour une randonnée dont un seul sortira vivant. Ceux qui s'écroulent ou passent trop souvent en dessous de 6,5 km/h sont immédiatement exécutés. Et avec ce point de départ ultra simpliste, Stephen King fait des centaines de pages qui se dévorent avec une facilité déconcertante.

Ce n'est pas forcément un bouquin génial. Du contexte politique, on se saura vraiment pas grand chose. Comme l'auteur lui-même, probablement. Les discussions entre les ados partis faire ce suicide collectif ne volent pas souvent très haut, entre blagues salaces et élucubrations pseudo-philosophiques. Les thèmes qui parcourent le roman sont surtout en rapport avec les préoccupations adolescentes attendues : l'apprentissage de la sexualité et le désir d'intégration sociale. Le fil du récit est parfaitement prévisible, c'est exactement ce a quoi le lecteur s'attend : tout le monde crève petit à petit autour du personnage principal qui s'en sort, et paf, fin.

Et pourtant, il faut bien reconnaître que c'est diablement habile. Captivant. Ça fonctionne. On se laisse prendre dans l'engrenage morbide de ce battle royale où personne n'a obligé les participants à venir crever sur le bitume. Eux-mêmes ne savent pas trop pourquoi ils sont là. Comme dans un film d'horreur de type slasher, il n'y a pas particulièrement de sens à tout ça (à part des pulsions suicidaires subconscientes) : juste de la sélection darwinienne en accéléré. Et le lecteur y trouve un plaisir semblable à celui des milliers de gens qui viennent sur le bord des routes acclamer les marcheurs qui s'écroulent devant eux. Et en bonus, on apprend quelques horreurs sur les habitudes culinaires américaines. Rien que sur une double page : « bocal de pâte de bacon », « tube de concentré de bœuf » et « hamburger cru ». Ces détails sont sans doute les plus terrifiants de tout le roman.

 379 pages, 1979, le livre de poche

vendredi 11 août 2017

Anthem - Ayn Rand


Anthem - Ayn Rand


Anthem, c'est, comme prévu, de la pure idéologie. Dans un futur lointain, la société humaine est une sorte de communisme totalitaire et obscurantiste. Il est interdit d'utiliser le mot je, et le narrateur se réfère à lui-même en utilisant nous. Le narrateur est plus fort, plus musclé, plus courageux, plus beau et plus intelligent que tous les autres. Il se surprend à sortir un peu du système et a réinventer l'électricité dans son coin. Quand il veut présenter son invention à la société, il se fait réprimander et s'enfuit dans la forêt avec sa copine. Là, il tombe sur une maison de l'ancien monde où il découvrira à travers les livres les vertus du l'individualisme.

J'aime les dystopies, et j'ai pris plaisir à lire celle-ci. Pourtant elle est assez limitée. Déjà, ça fait assez vieillot. On se sent plus proche de La machine à explorer le temps (1895) que du Meilleur des mondes (1932). En effet le monde décrit est assez simpliste, voire terriblement caricatural. Rand veut tellement montrer que le collectivisme, c'est mal, qu'elle indique que la dernière invention notable des chercheurs de sa fiction est la chandelle... cent ans plus tôt. Comment une société aussi figée et allant contre les instincts naturels, comme le désir sexuel pour ne citer que le plus primaire, peut-elle subsister sur une échelle qui se compte en milliers d'années ? Sans changer de langage ? Et sans que les livres de l'ancien monde ne se décomposent ? L'ébauche de relation amoureuse est aussi plutôt pitoyable. La blonde de service est soumise à son maitre porteur de testicules, et pendant qu'il lit des livres, elle se regarde dans le miroir.

Quant à l'idéologie développée, un individualisme extrême, elle est contradictoire. Le narrateur monologue longuement sur la puissance du je, son désir de ne dépendre de personne, de vivre par lui-même et pour lui-même... Et pourtant il vit avec sa copine. Et pourtant il projette d'aller chercher d'autres personnes pour fonder une nouvelle société, et ensuite de conquérir le monde. Il veut tracer dans la pierre de sa forteresse la devise EGO. C'est oublier que la société qu'il a fuit avait elle aussi le désir de recouvrir la planète, et elle aussi avait gravée dans la pierre une devise qu'il méprise. C'est comme si Ayn Rand, traumatisée par la révolution communiste, ce qui se comprend, fantasmait sur l'exact inverse du communisme sans se rendre compte que non seulement son résonnement ne tient pas, mais surtout que ça ne vaudrait pas forcément mieux. Je suis quand même curieux de lire les romans suivants de Rand, que j'espère plus matures.

1938, Wikisource

jeudi 10 août 2017

Blade Runner - Philip K. Dick


Blade Runner - Philip K. Dick

Cette relecture de Blade Runner, alias Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, confirme encore une fois que j'ai vraiment du mal avec Philip K. Dick. Je trouve ça carrément mauvais. L'inspecteur Rick Deckard est un chasseur de prime : il a pour boulot de traquer et tuer les androïdes revenus des colonies martiennes de façon illégale. Et c'est déjà bancal. Pourquoi donner à un seul mec un boulot qui devrait revenir à un groupe ? Par exemple, quand un chasseur de prime fait passer à un androïde le test d'empathie dans un endroit absolument pas sécurisé, pourquoi ne pas avoir quelqu'un d'autre braquer une arme sur lui, histoire d'éviter toute réaction violente ? Ou pourquoi ne pas tout simplement construire les androïdes avec une particularité physique qui permettrait de les identifier au premier coup d’œil, comme dans La fille automate ? Bref. On est censé trouver quelques interrogations métaphysiques sur la nature de l'humanité, mais c'est plutôt flou. Flou, c'est un mot qui décrit bien ce roman. Par exemple, tout cet aspect de l'univers de Dick qui concerne une sorte de figure christique et messianique qui est peut-être, ou peut-être pas, un simple acteur. C'est juste incompréhensible.

Même en faisant abstraction de ce genre d'à-côtés, la trame générale est terriblement ennuyeuse. Rick Descard élimine un par un des androïdes. Voilà. Il y a en fond quelques très bons concepts, comme une machine modificatrice d'humeur et la fascination de ces gens du futur pour la possession d'animaux réels ou artificiels, mais ça ne suffit pas à sauver l'ensemble. Tellement de choses sont... bizarres. Voire ne tiennent juste pas debout. Par exemple, quand Deckard rencontre le premier androïde : celui-ci se fait passer pour quelqu'un d'autre, et tout d'un coup Deckard s'exclame quelque chose du genre « vous êtes l’androïde ». Mais on se sait pas comment il parvient à cette conclusion. Vraiment pas. Autre étrangeté : à un moment, Deckard se fait piéger dans un service de police parallèle contrôlé ou infiltré par les androïdes, on ne comprend pas trop. Il est suggéré qu'un androïde a pris la place d'un humain depuis quelques mois : mais comment est-ce possible, sachant qu'un collègue humain n'a rien remarqué ? L’androïde ne pouvait pas avoir le même physique que l'humain, non ? Et quand Deckard parvient à s’échapper de cet endroit où il reste clairement des androïdes... il ne fait rien. L'endroit disparait totalement du récit, alors que ça ressemble à une base secrète d’androïdes. Je ne comprends pas. Ce ne sont que quelques exemples particulièrement flagrants, mais tout le livre est parsemé de ce genre de moments qui me font me demander comment on peut l'ériger en chef-d’œuvre.

283 pages, 1968, j'ai lu

mardi 8 août 2017

Gorky park - Martin Cruz Smith


Gorky park - Martin Cruz Smith

A Moscou, trois cadavres sont découverts sous la neige du parc Gorki. L'inspecteur Arcady Renko se retrouve à enquêter sur l'affaire. C'est l'inspecteur typique de roman policier : taciturne, têtu, doué pour son boulot, travaillant jusqu'à en oublier de manger et de dormir, ayant une vie intime qui part en vrille et se retrouvant finalement impliqué personnellement dans l'affaire. Et si je m'attendais à un récit plutôt axé espionnage, on reste finalement dans du policier assez classique, avec heureusement l'omniprésence du KGB et un développement international pour donner plus d'ampleur au tout. La trame de l’enquête en elle-même est relativement efficace. On a parfois l'impression de voir Renko tomber sur des indices un peu au hasard, et le méchant de service apparait assez peu crédible, mais globalement ça fonctionne.

Ce qui rend le roman particulièrement digne d'intérêt, c'est son contexte : l'URSS. La description de la vie en Russie est sobre et intéressante, même si le lecteur non spécialisé ne peux pas vraiment savoir si l'auteur, américain, ne raconte pas n'importe quoi. La fin de l'histoire se déroulant aux USA, si elle s'étire un peu trop, offre un contraste bien mis en scène : après le communisme, le consumérisme. De la simple vie quotidienne aux grotesques absurdités du totalitarisme, c'est cette toile de fond qui fait tout l'intérêt du livre. Sinon, on alterne entre un léger ennui devant l'impression qu'il y a quand même beaucoup de pages en trop là dedans, et quelques passages qui sont vraiment bons. Mon préféré étant certainement cette longue séquence dans une maison campagnarde où Renko, en convalescence et désormais ennemi du Parti, est forcé de longuement cohabiter avec un officier du KGB qui peut à tout moment recevoir l’ordre de l’exécuter. Renko, faisant preuve d'un flegme à toute épreuve, apprivoise petit à petit son potentiel bourreau qui n'est qu'un homme comme un autre. 

L’institut a découvert que les criminels souffrent d'un trouble pathologique que nous appelons pathohétérodoxie. Cette découverte s’appuie sur des bases cliniques, aussi bien que théoriques. Dans une société injuste, un homme peut enfreindre des lois pour des raisons sociales ou économiques valables. Dans une société juste, il n'y a pas de raison valable sauf la pathologie mentale. 

634 pages, 1981, le livre de poche

lundi 7 août 2017

The last man - Mary Shelley


The last man - Mary Shelley

Ce roman de proto-SF publié en 1826 par l'auteur de Frankenstein n'est pas vraiment ce que j'espérais. Bien que son histoire se déroule à la fin du vingt-et-unième siècle, Mary Shelley ne parvient guère à imaginer un monde différent. Ses quelques tentatives sont pourtant louables. La seule avancée technologique, c'est le transport en ballon. La seule avancée sociale, c'est la transformation de l’Angleterre en république. Mais pour le reste, le monde n'a guère changé en 250 ans.

Autre chose surprenante, toute la première moitié du roman est essentiellement consacrée à un hexagone amoureux. Trois hommes et trois femmes qui évoluent dans la très haute société. Le narrateur et sa sœur sont un peu l'incarnation de l'auteur, un autre de son mari et un quatrième de Byron. Bon, pour le lecteur lambda qui n'a pas particulièrement envie de faire de l’analyse littéraire, ce n'est guère marquant. Au début, ça fonctionne plutôt bien, on parvient à s'attacher aux personnages si l'on fait abstraction de leur romantisme extrême. Les intrigues politiques et la passion des protagonistes pour l'établissement d'une république sont aussi d'autres points d'attrait. Mais plus ça avance, plus on s'ennuie. C'est certes très joliment écrit, mais c'est surtout long, très long. Les personnages sont tristes, se plaignent, se lamentent, et ça recommence. Quelques scènes de la guerre greco-turque viennent épicer le tout, mais pas assez. Du coup, on commence rapidement à lire en diagonale.

Ensuite vient enfin le sujet qui est censé être au cœur du livre : la fin du monde. Et ce n'est guère mieux. La peste dévaste l'humanité, et si les premières pages ne commencent pas trop mal, Shelley s'enlise rapidement dans des lamentations étirées à l'infini. Sérieusement, l’essentiel du roman, ou presque, est consacré aux plaintes des personnages. Ça n'en finit pas. Des gens meurent alors les personnages se lamentent, des gens agonisent et les personnages se plaignent, les cadavres s'entassent et les personnages s'apitoient longuement sur leur misère. Horreur. Je n'ai pas pu aller jusqu'à la fin. Dommage, avec 150 pages de lamentations en moins et un recentrement sur le cœur de l'intrigue, ça aurait pu être sympa.

432 pages, 1826, Wordsworth Classics