jeudi 2 mars 2017

Le premier sicèle après Béatrice - Amin Maalouf



Un roman d'anticipation qui ne passe pas assez de temps à anticiper. Le narrateur, universitaire spécialiste des scarabées, se retrouve intimement mêlé à une intrigue qui pourrait avoir raison de l'humanité. Il semblerait que quelque part, quelqu'un ait inventé un produit pouvant empêcher les naissance féminines. Les femmes n'accoucheraient plus que de bébés masculins. Et dans certaines parties du monde, cette substance est, pour des raisons de tradition patriarcale, un énorme succès. Elle s'impose même un peu dans le nord, mais plus modérément. On en devine les dangers. Déjà, l'impossibilité pour l'espèce de se reproduire s'il n'y a pas assez de femelles. Et peut-être encore pire, le déchainement de violence causée par des hordes de mâles frustrés, incapable de toucher une femme ou de fonder une famille quand il nait une femme pour vingt hommes. Il y a dans cette vision quelque chose de profondément inquiétant car crédible. Maalouf joue beaucoup sur l’opposition nord-sud, une opposition ancrée dans les siècles. Le nord, une fois ses propre problèmes résolus, a tendance à se réjouir d'une baisse de population dans le sud, même au prix de la violence. Mais les frontières ne peuvent rester indéfiniment imperméables à cette violence.

C'est clairement le point fort de ce roman : une vision crédible, nourrie par les connaissances multiculturelles de l'auteur. Dommage que le narrateur passe une bonne partie de son temps à raconter sa vie personnelle. Celle-ci n'est pas inintéressante, au contraire. Lui-même, ironiquement, a toute sa vie tenu à avoir une fille. Mais on a l'impression que cette partie du récit se fait au détriment de l'anticipation, qui est quand même probablement la raison pour laquelle ce livre existe. Notamment à la fin, les événements s’enchainent, la situation en Europe est comparée à la seconde guerre mondiale, on a quelques aperçus d'une vie quotidienne bien morose, mais on n'en comprend pas clairement les causes. Bref, ça fait un peu brouillon, on ressent comme un manque. Dommage, mais cela n'enlève pas à ce roman sa saveur assez unique.

157 pages, 1992, le livre de poche

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire