mardi 14 février 2017

La Maison des feuilles - Daniel Z. Danielwski


La Maison des feuilles - Daniel Z. Danielwski

Un livre peu commun.

Tout commence en prenant la chose en main. C'est massif. On l'ouvre, on feuillette. Sur les pages, parfois un mur de texte d'une rare densité, parfois trois lettres, parfois des notes de bas de page plus qu'envahissantes, parfois dix lignes écrites à l'envers dans un cadre bleu, entourées de morceaux de texte qui se baladent un peu partout. Bon. Au moins, ça attise la curiosité.

Ensuite, on commence à lire. Tout d'abord, il y a le récit central. Enfin, appeler ça récit, c'est peut-être aller un peu loin. Disons que c'est un faux essai sur un film (documentaire ?) fictif. Le film en question, le Navidson Record, est réalisé par le Navidson du titre. C'est l'exploration de la fameuse maison, qui est bien plus grande qu'elle n'en a l'air, mais aussi l'étude de sa relation avec sa femme, son frère et quelques autres. L'essai est parfois descriptif, se contentant de narrer le film, et parfois analytique. Dans ce cas il est agrémenté d'une multitude de citations et références, fictives pour la plupart. Entourant tout ça s'incruste le récit à la première personne de Johnny Errand. Johnny est un mec à la vie un peu bordélique qui tombe par hasard sur l'essai. La lecture de celui-ci le rend un peu dingue, et il raconte sa vie en introduction, conclusion et notes de bas de page. Ce personnage passe tellement de temps à nous expliquer à quel point ce livre est terrifiant qu'on a l'impression qu'il est juste là pour en convaincre le lecteur. A la fin du bouquin, il y a aussi tout un tas d'autres fragments plus ou moins rattachés à l'ensemble.

Bref, sur la forme, c'est original et créatif. Et si j'ai eu du mal à décrocher, cette forme y est pour beaucoup. Elle s'adapte bien sûr à ce qu'il se passe dans le récit, bien que souvent elle reste très obscure. Elle impacte fortement le rythme de lecture : neuf-cent mots sur une page et cinq sur une autre. Ces variations on un effet parfois troublant. Hypnotique, même.

Le récit lui même n'est pas dénué d’intérêt. Les passages d'exploration des couloirs et des recoins de la maison sont même assez remarquables. On se rapproche d'un certain type d'aventure teinté d'horreur plutôt rare. Une horreur métaphysique, celle de la confrontation avec le pur inconnu, l'incompréhensible total. Ensuite, les personnages et leurs relations sont aussi assez habilement maniés. Mais ce récit est tellement parasité par une multitude d'excroissances inutiles qu'on en vient à sauter des paragraphes entiers en souhaitant que, par pitié, l'auteur ait un peu de respect pour le temps libre de ses lecteurs. Il y a les passages délirants de Johnny, des dizaines de lignes incompréhensibles sans la moindre ponctuation. Il y a les interminables "analyses", ponctuées d'une infinités de citations toutes plus chiantes et ridicules les unes que les autres. Si le but est de parodier les textes universitaires, d'une certaine façon c'est réussi. Il y a ces notes de bas de page auxquelles on prend rapidement l'habitude ne plus jeter un œil. Il y a ces passages littéralement illisibles, de texte en miroir, de braille ou de listes infinies. Il y a ces annexes soporifiques, un gros tas de poèmes et de citations, et même un index de 25 pages.

Alors certes, ce livre ne serait pas ce qu'il est sans tous ces trucs qui débordent de partout. Il s'y cache un bon roman si l'on découpe la moitié, mais pas un génie suffisant pour justifier toute cette accumulation de matériau pénible. On a souvent une impression de tape-à-l’œil, de maitrise technique servant juste à impressionner. La sobriété, c'est bien aussi.

700 pages, 2000, denoel

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