mercredi 27 juillet 2016

The Invincible - Stanislas Lem


The Invincible - Stanislas Lem

Un petit roman de SF assez classique, publié en polonais en 1964. Le gros vaisseau The Invincible se pose sur la désertique planète régis III. Problème : un vaisseau similaire a été porté disparu dans le coin, avec tout son équipage, quelques années avant. Mission : découvrir ce qu'il s'est passé. Bref, c'est l'exploration d'un environnement inconnu et la résolution d'un mystère le concernant. Concept fort commun, reste à voir son traitement. Première impression : c'est un peu daté tout ça. Une équipe entièrement masculine, une rigidité militaire, un vaisseau qui est une rocket, des armes aux noms comme antimatter mortar, vibration arc lasers et anti-protons, ce qui, je ne sais pas trop pourquoi, me fait penser à Blake & Mortimer. Mais l'impression de lire de la vielle SF est particulièrement forte en ce qui concerne le secret de Régis III : il s'agit d'une variation sur les structures autoréplicantes de von Neumann. C'était un concept qui me fascinait quand j'avais treize ans et que je lisais science & vie junior, mais depuis croisé dans tellement d’œuvres de SF que ce qu'en fait Stanislas Lem ici n'est tout simplement pas assez développé pour éveiller beaucoup d’intérêt. Ce qui, sans doute, n'étais pas le cas à l'époque de publication. Ainsi, malgré ses 187 pages, The Invincible semble un peu trop vide et un peu trop long, notamment à cause d 'un final un peu plat. Mais il y a de bonnes choses à en tirer, notamment la thématique chère à Lem (voir Solaris) d'un organisme planétaire unique avec lequel toute communication est quasi-impossible. Le personnage principal, qui n'est pas particulièrement intéressant, a pourtant quelques beaux moments de réflexions dans lesquels il observe sans haine et tolère cette vie si différente, et en vient à souhaiter que l'Homme laisse en paix ce qu'il ne comprend pas au lieu de vouloir lui péter la gueule à coup d'antimatter mortar. Au delà du simple plaisir de découverte de l'inconnu, on ressent une certaine paix à l'idée de cette tolérance possible, voir, soyons fous, cette ébauche de compréhension possible entre des formes d’existence si différentes.

These systems do not build up anything, have no civilization and do not create anything of value, having nothing but themselves. That's why we should regard them as forces of nature. Nature herself never creates value. These structures are there own raison d’être; they simply exist for themselves, and they behave the way they do simply in order to continue to exist...     

187 pages, 1964, Penguin Books

samedi 9 juillet 2016

Le monde d'hier - Stefan Zweig


Le monde d'hier - Stefan Zweig

Le monde d'hier est une autobiographie. Mais Zweig ne parle guère de sa vie personnelle. On se saura rien de sa vie de famille, ni de son éducation amoureuse. Zweig se concentre sur le monde qui l'entoure. Même quand il évoque son enfance, ce n'est pas tant pour détailler sa vie que pour analyser l'assurance de l'Europe avant la guerre, un système éducatif aussi rigide qu'hypocrite ou encore le puissant tabou entourant tout ce qui touche à la sexualité. Puis Zweig grandit, voyage, devient un écrivain reconnu, s'engage pour l'unité de l'Europe. Quand il parle de ses amitiés, il est très marquant de constater à quel point le monde de l'art semblait petit à cette époque, du moins pour qui peut se permettre de naviguer entre les capitales. Rilke, Hofmannsthal, Rodin, Valery, Freud, Romain Rolland, Wells, Joyce... Certains étaient juste des rencontres, d'autre des amis de longue date. Et Zweig enchaine ainsi les portraits. Que dire, sinon que c'est passionnant ? Et au-delà du climat intellectuel, c'est l'état de toute l'Europe qui est décrit. La Grande Guerre, le chaos économique de l'inflation, la montée du national-socialisme... Et Zweig, pacifiste convaincu, chassé de son Autriche natale, désespère. On sent venir son suicide. Pour dire les choses simplement, Le monde d'hier est une merveille. D'un point de vue littéraire, c'est brillant. J'avais presque envie de pleurer vers la fin tant Zweig parvient avec tact à transmettre sa peine d'exilé, sa souffrance à voir le monde sombrer dans la violence. Et d'un point de vue documentaire, c'est tout aussi brillant. J'ai l'impression d'avoir doublé ma compréhension du vingtième siècle à la lecture de ce livre. Impression certainement illusoire, mais qui en dit beaucoup sur l’efficacité d'un tel mélange de talent littéraire et d'analyse historique.

506 pages, le livre de poche