vendredi 13 mai 2016

Le congrès de futurologie - Stanislas Lem


Le congrès de futurologie - Stanislas Lem

Un roman assez bizarre. Le congrès de futurologie annoncé par le titre a à peine le temps de commencer qu'une sorte de guerre civile sème le chaos et Tichy, le narrateur, se retrouve planqué dans les égout. Le thème, c'est celui des drogues modifiant le comportement. Ça commence gentiment avec du félicitol dans l'eau du robinet, puis rentrent en scène les bembes, Bombes de Mutuelle Bienveillance, sensées calmer les conflits. Mais d'autres bombes sont d'un genre plus classique. Bref, après quelques longues hallucinations, Tichy se fait cryogéniser jusqu'à un futur où l'on pourra soigner ses névroses. Les choses deviennent plus intéressantes à son réveil, de nombreuses décennies plus tard. Le voilà plongé dans une société qui semble l'évolution logique de celle qu'il a quitté. Dans une apparente prospérité, l'humanité consomme à longueur de journée une multitude de drogues aux effets variés. Ces drogues ont pour effet de modifier l'humeur du sujet de toutes les façons envisageables ou encore de lui fournir les hallucinations de son choix. Même les livres peuvent se consommer sous forme de sucettes. Dans un tel contexte, comment ne pas douter de réalité de chaque chose ? Et si le monde entier n'était qu'une hallucination ? Les craintes de Tichy se révèlent justes dans une scène qui fait fortement penser à Matrix. La première vision que Tichy a de la réalité non masquée par les drogues ressemble beaucoup à la scène dans laquelle Néo fait une crise de panique quand il est pour la première fois confronté au désert du réel. On pense aussi à Matrix dans une autre scène :

Sur sa paume tendue elle m'a offert deux pilules : une noire et une blanche. C'était à moi de décider laquelle elle devait avaler.

matrix pills

Malheureusement le roman semble aller à une vitesse folle et l'on a à peine le temps de s’intéresser à ce qui nous est raconté que l'auteur passe à autre chose. Un bon exemple de ceci est la rupture de Tichy. Il quitte sa copine avec qui il voulait se marier (je rappelle qu'à ce moment il n'est que depuis un mois dans une société radicalement différente de celle qu'il a connu toute sa vie), et le lendemain il écrit : « je sors rarement de chez moi  ». Il renchérit le jour suivant : « je mène une vie solitaire». Il se sent vite seul ce type là. Tout va à une allure folle, et la société décrite n'est pas toujours très crédible. Comment des individus tous sous l'influence d'une centaine de drogues à la fois peuvent partager leurs hallucinations et ainsi créer une illusion commune ? Ne devraient-ils pas plutôt être chacun enfermés dans leur monde propre ? Plutôt que de trop se prendre la tête avec de genre de détail, Stanislas Lem a décidé de faire jouer l'horrible « ah ben tout ça n'était qu'un rêve en fait » ! Et oui, à la dernière page du roman on apprend que Tichy est en fait toujours en train d'halluciner dans les égouts du début. Fin hyper décevante. A moins que... Et si cette prétendue fin n'était qu'une hallucination de plus ? Et si Tichy se retrouvait cette fois enfermé dans les méandres de ses fantasmes ? Ne rêvant que de retrouver son ancienne civilisation, les drogues répondent à ces désirs. Même si l'on apprécie la présence de ce doute, cela ne rend pas cette fin satisfaisante pour autant.

Il y a plein de bonnes choses dans Le congrès de futurologie. La dystopie esquissée est intéressante, et on sent son influence probable sur des œuvres comme Matrix, mais justement elle ne semble qu'esquissée. C'est comme si dans ce roman il y avait trop de superflu, comme ces longues phases d’hallucinations farfelues, et pas assez d'essentiel, d'exploration de cette société psychimique.

159 pages, 1971, j'ai lu

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