jeudi 24 mars 2016

Les Fruits d'Or - Nathalie Sarraute


Les Fruits d'Or - Nathalie Sarraute

De la littérature qui parle de littérature, et dans un style d'une opacité volontaire. Au premier contact, ce n'est pas très engageant. Pas de personnages identifiables, rien de ce qu'on pourrait appeler une histoire. Juste des discussions entre gens du monde littéraire, faisant partie de petits cercles pour lesquels la chose la plus importante est de savoir si tel ou tel roman est bon ou non. Et tout avis contraire à celui de l'opinion générale est un danger, un risque d’ostracisation. Sarraute parodie fort bien ce milieu. Au delà de la simple moquerie, de vraies questions sont abordées : que signifie vraiment aimer un livre ? Comment exprimer et expliquer ce sentiment de plaisir, cette promiscuité avec le texte ? Est-ce même possible ? Autre élément, ce que Sarraute appelle, je crois, les tropismes : ces petits détails apparemment insignifiants de vie sociale quotidienne qui peuvent avoir une grande importance. Du coup, les personnages (le mot n'est pas vraiment adapté) en font des tonnes pour pas grand chose. Les Fruits d'Or est souvent assez pénible à lire, on a l'impression d'une littérature d'érudit qui s'adresse à d'autres érudits tout en parlant d'érudits. A moins qu'une bonne partie d'entre eux ne soient que des imposteurs..? Bref, un bouquin aride et un peu exaspérant, mais il faut reconnaitre que Sarraute a une vraie vision, qui mérite peut-être qu'on s'y force un passage.

Petit extrait (parodie de discours critique) :

- Il y a là un envol qui abolit l'invisible en le fondant dans l'équivoque du signifié.
- Nous sommes bien d'accord. Ainsi une dimension intemporelle se trouve ici dissoute dans le devenir d'une thématique. Par là, cette œuvre est jusque dans ses couches les plus structurées un poème.
- Bien plus : je dirai que c'est en appréhendant simultanément l’inexprimé en des modes différents que cette œuvre échappe à la pétrification du structuré. Par là, elle se déploie - et de quelle façon! - et, littéralement, nous comble.


158 pages, 1963; Folio

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire