mardi 24 novembre 2015

L'Homme Stochastique - Silverberg Robert


L'Homme Stochastique - Silverberg Robert

Dans un New York approchant le début du troisième millénaire, grouillant de misère et dominé par une minorité riche cloitrée dans ses gratte-ciels, Lew Nichols est une sorte de prédicateur. Extrêmement doué pour les statistiques prévisionnelles, il en a fait son métier, et gagne très bien sa vie en conseillant les puissants de ce monde. Et voilà qu'un jour, il se prend d'une passion politique et met ses dons au profit de Quinn, candidat à la mairie. Choix qui le fera croiser Carjaval, petit homme n'ayant l'air de rien mais possédant, au delà de tout ce qu'offre la science des statistiques, une connaissance tellement exacte du futur que c'en est fort troublant.

Le thème central, c'est la question du déterminisme. Le futur est-il écrit à l'avance, ou avons nous notre mot à dire ? Lew et sa femme ne vont pas s’entendre sur la question, lui avançant vers la quête de la connaissance parfaite du du futur, elle tentée par une religion nouvelle prônant le détachement et l'imprévisibilité. La structure du roman est totalement en lien avec sa thématique : dès les premières pages le narrateur nous révèle ce qui est à venir. Tout est connu à l'avance, pas vraiment de suspense donc, si ce n'est la question du comment. Et Silverberg gère totalement. J'ai particulièrement apprécié la dimension politique, c'est à dire son étude de l'homme politique idéal à travers le personnage de Quinn. D'un charisme impressionnant, il domine totalement Lew, qui, sans vraiment comprendre pourquoi, veut le voir président. Même après s’être fait viré il veut toujours l'aider ... Il y a quelques excellents passages où cette description du charisme à travers la maitrise de la parole et du geste est particulièrement intéressante. Tous les personnages intelligents sont conscients du jeu de charme et de manipulation, mais justement, ils adorent se laisser prendre à ce jeu. Et les indices laissant présager un futur leader totalitaire en Quinn ne font que rendre le tout plus nuancé. Ce roman, c'est aussi la description d'un New York en furie, notamment une scène finale chaotique de réveillon de l'an 2000 tournant à l'émeute, les hommes transformé en bêtes, le narrateur aussi, courant nu sous la pluie au milieu des cadavres, tout en étant assailli par ses visions. Cette quête de Lew pour la compréhension du futur, c'est sa façon de lutter contre l’incontrôlable, sa façon de chercher du sens dans le chaos. Il espère créer une société meilleure, où rien d’inattendu n'arrive, qui pourrait faire probablement faire l'objet d'un autre roman dystopique, ironiquement...   Silverberg est bon, très bon.

249 pages, 1975, j'ai lu