jeudi 16 juillet 2015

La dame au linceul - Bram Stoker


La dame au linceul - Bram Stoker

Mélange de lettres et d'extraits de journal intime, La dame au linceul commence d'une façon très classique : suite à un héritage, Rupert, un jeune aventurier, hérite d'un château dans un coin paumé d’Europe de l'est et va s'y installer. Arrivent rapidement une intrigue principale et une intrigue secondaire. Une étrange dame ressemblant vaguement à un fantôme ou à un vampire vient frapper à la porte de notre héros pour passer (chastement) la nuit dans sa chambre, plusieurs fois de suite. On a l'impression qu'ils ne se parlent tout simplement pas mais Rupert tombe bien sur follement amoureux d'elle. Sachant qu'ils passent plusieurs nuits ensemble, voilà une sélection de questions qu'il aurait pu lui poser au coin du feu :
  • Qui êtes vous ?
  • Êtes vous un vampire ?
  • Ou un fantôme, peut-être ?
  • Que faites vous de nuit, vêtue seulement d'un linceul, dans mon château ?
  • Quel est votre nom ?
Mais non, ils ne communiquent pas, ce serait sans doute trop simple. Ce qui ne les empêche pas de se marier. La révélation finale concernant l'identité et la situation de la jeune femme n'est pas moins ridicule. L’intrigue secondaire concerne les montagnards locaux, dont Rupert doit gagner la confiance. Menacés par une invasion de la Turquie, il leur achète plein de fusils et un navire de guerre. Et ensuite ... paf, c'est la fin du roman. Cette intrigue est donc juste laissée en plan. Alors certes, La dame au linceul se laisse lire et sa charmante esthétique gothique est sa principale qualité. Mais je ne peux pas faire abstraction de cette histoire si décevante et capillotractée.

La quatrième de couverture regrette que Dracula écrase par sa popularité tous les autres textes de Bram Stoker. Après lecture de La dame au linceul, j'ai envie de dire que là, pour le coup, c'est mérité.

193 pages, 1909, Babel

mardi 14 juillet 2015

Une page d'amour - Zola


Une page d'amour - Zola

Je n'avais jamais entendu parler de Une page d'amour avant de tomber dessus par hasard à un moment où ne s'offrait à moi qu'un choix de lecture assez limité. Et après lecture, je comprend pourquoi c'est un volume particulièrement oublié des Rougon-Macquart.

Après l’Assommoir, Zola revient à un type de roman plus tranquille et convenu. Quelques personnages s'ennuyant dans un milieu bourgeois, quelques histoires d'adultères. A Paris, Hélène, jeune et belle veuve, vit avec sa fille Jeanne, gamine d'une douzaine d'année à la santé fragile. Dans la maison d'à coté habitent Juliette et son mari Henri, médecin. La première va devenir une amie bavarde et mondaine, l'autre un amant. Bien entendu Hélène et Henri passeront la plus grande partie du roman à se regarder dans le blanc des yeux de façon purement platonique. Zola, lui, passe un temps fou à décrire Paris vu de la fenêtre de l'appartement d'Hélène. Et l'élément le plus pénible du roman, à mes yeux, c'est le personnage de Jeanne. C'est une peste, un monstre d’égoïsme. Elle bouffe littéralement la vie de sa mère. Et elle ira même jusqu'à mourir de jalousie parce que sa mère aime un homme et la délaisse légèrement. Elle prend une place énorme dans le roman et n’arrête pas d’être malade, d'agoniser, d'aller mieux, de faire une crise ... Zola a certes voulu étudier un caractère maladif, mais là, on voudrait juste qu'elle meure plus tôt pour qu'Hélène puisse enfin essayer de vivre sa vie.

Heureusement, Zola est toujours habile à décrire un environnement. Ici, on assiste aux bonnes manières bourgeoises, aux existences pleines de vide de ces femmes de bonne famille, courant après les potins, les draps de soie et les occupations à la mode. On voit à quel point les institutions sont incompatibles avec les vérités humaines : comment blâmer les adultères quand les mariages sont arrangés et sans désir ni amour ? C'est là la partie intéressante du roman, et c'est là-dessus qu'insiste l'excellente fin. Hélène, finalement engagée dans un mariage pratique et raisonnable, reprend le cours de sa vie et se demande si elle a bien fermé sa grosse malle. Fini la passion, elle est de retour avec un homme qui la vénère comme une belle statue et pour qui elle n'éprouve qu'une bienveillance maternelle.

370 pages, 1878, Folio

L'espion qui venait du froid - John le Carré


L'espion qui venait du froid - John le Carré

Quand j'étais gamin, je lisais principalement les livres que je trouvais dans la bibliothèque de ma mère. Je n'avais pas encore de goûts propres, je me contentais d'absorber ce qui se trouvait à ma portée. Du coup je lisais pas mal de thrillers. J'ai même eu ma période Tom Clancy. Je garde de bons souvenirs d'Octobre rouge, Tempête rouge et du Cardinal du Kremlin, mais cet intérêt s'est vite dissipé. Bref, tout ça pour dire qu'il y avait fort longtemps que je n'avais pas lu un vrai roman d'espionnage.

Et L'espion qui venait du froid, c'est vraiment un pur roman d'espionnage. Le récit commence au mur de Berlin et se termine au mur de Berlin. L'auteur joue habilement avec son lecteur, et à chaque instant la frontière entre la réalité et l'illusion est très trouble. Et surtout, il n'y a pas de conneries patriotiques. Les espions ne sont pas des héros, leur cause ne vaut pas grand chose. Leur objectif est de manipuler et éliminer d'autres hommes. John le Carré prend même le temps de s'attarder sur leurs motivations idéologiques, et il n'en ressort pas qu'un camp vaille beaucoup mieux que l'autre. Malgré des idées et systèmes théoriquement diamétralement opposés, leurs méthodes sont les mêmes. L’écriture, froide et aiguisée, est au service de ce ton sobre et réaliste. Le roman est court, dense, d'une redoutable efficacité. Ce qui est un peu gênant, ce sont les personnages féminins. Je n'ai pas le bouquin sous la main alors tant pis pour les citations, mais disons que les femmes dans ce roman sont au pire des harpies débiles et névrosées, au mieux des idiotes pleurnichardes. Et surtout, les personnages masculins ne manquent pas une occasion de le faire remarquer et d'insulter les femmes. De façon répétée. Et un perso vaguement efféminé se voit qualifié par les autres de "tapette" pendant tout le reste du roman. Enfin, au moins on a bien l'impression d’être dans les années soixante. Et finalement, L'espion qui venait du froid m'a donné envie d'ajouter quelques romans d'espionnages à la liste de tous les livres que j'ai envie de lire.

1963, Folio

vendredi 3 juillet 2015

Histoires d'amour - Hermann Hesse


Histoires d'amour - Hermann Hesse

Dans ce recueil, vingt-deux nouvelles, toutes partageant un thème commun : l'amour. Mais elles partagent plus que ça. A vrai dire, on pourrait leur reprocher de se ressembler un peu, d'offrir les mêmes types de personnages, bref, de ne pas être assez variées. En effet les héros de Hesse sont souvent des jeunes gens un peu rêveurs aimant se balader dans la campagne allemande. Les amours ou amourettes décrits sont souvent les premiers et ne sont jamais couronnés de succès. Pas de happy end avec Hesse. Parfois de la souffrance, parfois de l'humour, mais globalement d'inévitables déceptions qui mènent vers une plus grande maturité, une plus grande conscience des choses.

Hesse a un don pour décrire l'enfance. A un certain âge, le goût pour les jeux commence à s’atténuer et vient s'y substituer un désir vague et intrigant. Les pensées se tournent vers cette chose encore mystérieuse qu'est l'amour, et les regards cherchent les jolies filles. Il est un peu dommage d'ailleurs que les points de vue restent très masculin au fil des nouvelles, j'aurai bien voir Hesse se pencher plus du coté des jeunes femmes. Et si l'on suit le plus souvent des jeunes hommes, La conversion de Casanova, un récit qui m'a particulièrement marqué, met en scène le type même de l'homme à femmes, aventurier et séducteur. Malgré tous ses succès, Casanova est fatigué, sa vie commence à perdre son sens. Il songe alors à se retirer dans un monastère pour se consacrer à l'étude, laisser les années s'écouler calmement. Il fait les démarches nécessaires, mais au dernier moment, séduit par une énième jeune femme, l'appel de la sensualité sera le plus fort ...

Et bien sur, Hermann Hesse écrit divinement bien. Les nouvelles sont traduites par différents traducteurs, mais toutes se lisent comme on déguste un sorbet à la mangue agrémenté de glace au caramel par un soir d'été. Bref, si le recueil avait été plus long, j'aurai volontiers continué à explorer avec les jeunes héros de Hesse les mystères de l'amour, de la sensualité et du désir.

405 pages, 1900-1924, le livre de poche

jeudi 2 juillet 2015

Le bureau des atrocités - Charles Stross


Le bureau des atrocités - Charles Stross

La quatrième de couverture du Bureau des atrocités cite de nombreuses références, avec notamment, parmi celles que je connais le mieux, X-Files et Lovecraft. Et c'est exactement ça : le bureau des atrocités, alias la Laverie, est un service secret (anglais) qui s'occupe de gérer un monde caché remplis de créatures lovecraftiennes. D’ailleurs, Charles Stross ne camoufle pas ses influences, son roman est ultra référencé, à tel point qu'il est un peu vain de s'y plonger si l'on est pas déjà un minimum familier avec le fantastique et la SF en général. C'est d’autant plus vrai qu'on est souvent submergé de termes techniques, de théories mathématiques incompréhensibles pour le commun des mortels (dont je fais hélas parti) et d'idées farfelues en tous genres.

Ce qui est intéressant, c'est que Stross choisit de mélanger les genres et les tons. On passe de la parodie d'espionnage doucement absurde à la hard SF, d'un humour kafkaïen à propos de l'organisation de la Laverie à de la pure horreur cosmique à la Lovecraft. Par exemple, un moment illustrant bien cette variété. Le personnage principal et une équipe d'élite de la Laverie débarquent sur une version morte de la Terre, dans un univers parallèle dominé par les nazis, dans le but de sauver l'univers (le notre, ne mélangeons pas tout) d'une entité cosmique ... et le tout sous l’œil gigantesque d'Hitler dont un portrait colossal est sculpté sur toute la surface de la lune. Bref, Stross utilise plein d'influences classiques pour parvenir à créer sa propre recette originale. Globalement il est difficile de prendre les choses trop au sérieux dans ce roman. C'est plutôt une sorte de pot-pourri réjouissant pour amateur de ce genre de littératures. Vu sous cet angle, Stross arrive sans souci à communiquer son enthousiasme. On peut regretter une écriture qui se veut familière un peu maladroite, ou des descriptions de scènes d'action un peu confuses, mais on ne peut nier qu'on s'amuse bien. Je crois que j'aimerais bien bosser à la laverie !

Il y a dans ce volume le roman qui lui donne son titre, et une nouvelle qui lui fait suite mais raconte une histoire (ou plutôt une affaire, restons dans le thème) différente. On trouve aussi une postface fort intéressante de l'auteur qui apporte un peu d'éclairage sur son œuvre. J'ai particulièrement apprécié sa façon de mettre en lien roman horrifique et roman d'espionnage : pendant la guerre froide, sous la menace nucléaire, pas besoin des Grands Anciens pour se sentir menacé par une force incompréhensible et implacable ...

470 pages, le livre de poche