mercredi 21 mai 2014

Cosmopolis - Don DeLillo


Cosmopolis - Don DeLillo

Cosmopolis commence par l'épigraphe suivant : "à Paul Auster". Au début cela semble amusant car Eric Packer, contrairement aux héros de Paul Auster, tentés par la fuite et l’errance, est la réussite incarnée. Immensément riche, du genre à s'acheter un avion de chasse pour le plaisir, il a aussi un authentique requin en aquarium dans son appartement de 42 pièces en plein New York. Cet argent vient du monde très opaque de la finance où Eric semble exceller. Des chiffres défilent sur les écrans, Eric échange quelques paroles avec ses collaborateurs, donne un ordre, et des centaines de millions de dollars changent de main, se gagnent et se perdent. La limousine, autre objet d'un luxe absurde, va balader Eric tout le long du roman dans les rues d'un New York agité, voir un peu surréaliste. On enterre une star du rap avec des honneurs dignes d'un pharaon, le président est de sortie et du coup de nombreuses routes sont bloquées, des émeutes anticapitalistes éclatent, on tourne une étrange scène de nu pour un film qui a perdu son budget ... Entre le début et la fin du roman, le sens s'envole. Il n'y en a déjà pas beaucoup au début, mais au fil de son voyage en limousine Eric va être pris d'une folie autodestructrice après avoir échoué à prévoir l'évolution du yen.

C'est un peu le contraire d'un voyage initiatique, c'est un voyage de renoncement qui va mener jusqu'au meurtre et au suicide. Eric est plus ou moins traqué par un homme pas moins dérangé que lui, c'est peut-être l'aspect de l'intrigue le plus classique. Pour le reste, Cosmopolis est très perturbant. Plus encore que dans Bruit de fond, les dialogues sont souvent irréalistes et la véritable communication semble impossible. Les situations sont improbables, comme par exemple les nombreuses rencontres entre Eric et sa femme. Ils se croisent par hasard, tentent vainement de communiquer, échangent peut-être un peu de tendresse, et s'évanouissent à nouveau dans la ville. Eric est une intelligence prodigieuse qui s'est élevée au sommet en écrasant son prochain, ce qui ne l’empêche pas d’être torturé par les insomnies. Le sommet en question n'apporte ni joie ni sens, et l'on rêve à ce qu'aurait pu accomplir Eric s'il avait tourné son génie dans une autre direction. Cosmopolis est une impressionnante peinture d'un monde moderne confus et paniqué, hanté par un système économique hors de l'échelle humaine. Un roman difficile à saisir mais offrant une vision puissante et marquante.

Un autre avis.

222 pages, 2003, Babel

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