lundi 17 février 2014

Vélum (Le livre de toutes les heures 1) - Hal Duncan


Vélum (Le livre de toutes les heures 1) - Hal Duncan

Hal Duncan m'avait plutôt convaincu avec Évadés de l'Enfer, un livre court et intense, assez jubilatoire. Le cas de Vélum est autrement plus complexe, puisque ce premier roman est aussi ambitieux que difficilement abordable.

En théorie, c'est l'histoire d'une guerre céleste entre deux factions d'Amortels (comprenez : des anges), et plus précisément la trajectoire de quelques rebelles qui refusent de s'impliquer dans ce conflit. Enfin c'est ce qu'on nous raconte en quatrième de couverture. Dans les faits, cette trame apparait seulement comme un fond un peu flou. D'ailleurs, tout est flou dans ce roman, les frontières sont pour le moins ... brouillées. Les frontières entre les genres d'abord : fantastique, science fiction, fantasy, horreur, historique, apocalyptique ... on trouve d'un peu de tout. Ensuite, les frontières de la narration classique. Pour décrire ce style particulier, je laisse la place à l'un des personnages, page 223 : « On ne peut pas raconter cette histoire, l'histoire complète, en espérant rester logique. Tout ce qu'on peut espérer obtenir, c'est... une vue d'ensemble, et une certaine cohérence. » Il serait difficile de trouver des mots plus justes.

Et pour moi, cette cohérence toute relative fut un problème. C'est même un problème finalement assez classique, que l'on retrouve parfois dans les récits qui jouent avec les frontières de la réalité. Sous prétexte de mondes parallèles, de voyages temporels, l'auteur peut raconter absolument tout et n'importe quoi, et le justifier par : "non mais c'est cohérent, si si, c'est des mondes parallèles, et puis de toutes façons les personnages peuvent se balader dans le temps et à travers les réalités, alors ami lecteur, c'est de ta faute si tu ne comprends pas." Alors on passe de l'Irlande moderne aux mythes sumériens, de la première guerre mondiale à des mondes purement imaginaires, de réalités alternatives à une expédition nazie dans des ruines antiques ... Et le pire, c'est pour les personnages. A travers ces voyages dans le temps, l'espace et la réalité, on retrouve plus ou moins les mêmes. Enfin, du moins ils ont le même nom. Alors, est-ce que ce sont les mêmes personnages, ou non, ou leurs réincarnations, ou juste des archétypes semblables ? Et ces réécritures de mythes summériens, et des tourments de Prométhée ... pourquoi ? Je veux dire, je n'ai rien contre ces réécritures, mais qu'est ce que ça vient faire là, à part rajouter encore plus de confusion en associant les personnages à d'antiques divinités ?  Donner au livre une dimension plus importante, y intégrer des histoires anciennes pour les réinventer tout en assumant les structures classiques ? Mouais.

Il y a une frontière délicate entre complexité et opacité. Vélum n'est pas un roman complexe, c'est un roman opaque. Et c'est bien dommage, car Hal Duncan est un sacré bon écrivain. Vélum fourmille d'idées et de références littéraires ou historiques, on a affaire à des tas de concepts intéressants, de la phonétique à l'informatique. Et surtout, c'est bien écrit. Quand l'auteur veut bien s'attarder sur une situation pour plus de dix pages, on est la plupart du temps emporté par sa vivacité, son langage cru et sa capacité à se renouveler. Avant de passer complétement à une autre situation moins intéressante dont on ne comprend quasiment rien ...

Certains lecteurs vont adorer, certains vont abandonner au bout de 100 pages. Et d'autres, comme moi, resteront perplexe devant cet objet littéraire non identifié, plein de bonnes choses qui forment un tout qui ... heu, en fait non, qui ne forment pas un tout. On alors c'est que je n'ai pas compris, possibilité qui n'est pas à exclure.

811 pages, 2005, Folio SF

2 commentaires:

  1. J'ai été un peu comme toi face à ce livre. J'ai la suite à lire, je n'ai pas encore osé m'y attaquer...

    RépondreSupprimer
  2. Haha oui, j'ai lui ton avis et on partage cette ... perplexité. Je crois que je passer à coté de la suite moi aussi ...

    RépondreSupprimer