lundi 24 février 2014

Continent perdu - Norman Spinrad


Continent perdu - Norman Spinrad

Comme souvent, Norman Spinrad utilise l'anticipation pour parler de son Amérique contemporaine. Dans deux siècles, la civilisation américaine n'est que ruines et cendres. Sans qu'on sache trop pourquoi d'ailleurs, si ce n'est qu'elle a été victime de son orgueil et du classique « science sans conscience n'est que ruine de l’âme » (et des villes aussi du coup). Il se trouve que c'est l'Afrique qui est désormais la civilisation dominante. Quid de l'Europe et surtout de l'Asie ? Mystère. Bref, on est là face à un récit court, on a pas trop le temps pour les explications de détail apparemment. Pourtant, après quelques pages on accepte sans souci ce postulat de départ, et c'est le début d'une excellente visite touristique.

Quelques africains en voyage louent les services d'un guide blanc pour visiter ce qui reste du vieux New York. La narration se partage entre les points de vue de deux personnages : le guide, fier de la puissance incomparable de ses ancêtres, méprisant les noirs qui lui permettent de gagner sa vie, et l'un des touristes, un historien spécialiste de l'Amérique qui va pour la première fois la contempler de ses propres yeux. Alors bien sur, on a droit a quelques délicieuses vision post-apocalyptiques, vraiment savoureuses. C'est aussi l'occasion d'essayer de comprendre les erreurs de ces ancêtres si surs de leurs puissance. Pourtant le cœur du récit se situe plutôt dans les relations entre les personnages. Outre les deux protagonistes cités plus haut, il y en a un troisième, qui fait preuve d'un fort racisme anti-blanc. Renversement des relations noir/blanc par rapport à l’Amérique du vingtième siècle : le blanc est en position d'infériorité, bien que fier de ses ancêtres, et le noir fait partie de la civilisation dominante, libre donc à lui de se conduire avec respect ou avec arrogance et haine. Haine provoquée bien sur par la peur, peur de l'incompréhensible puissance de cette civilisation éteinte. Ainsi, la tension monte dans le groupe, et atteint son paroxysme au cours d'une visite chez les métroglodytes (j'adore ce mot), descendants dégénérés des new-yorkais s'étant réfugiés dans le métro 200 ans plus tôt ...

Racisme, écologie, progrès technologique, choc des cultures et tourisme, ce petit récit datant de 1970 est très riche. Spinrad est sans pitié avec sa patrie (qui le lui a bien rendu), et c'est évidemment pour ça que son œuvre est intéressante.

110 pages, 1972, le passager clandestin

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