vendredi 26 avril 2013

Le vieil homme et la mer - Ernest Hemingway


Le vieil homme et la mer - Ernest Hemingway
Parler du Vieil homme et la mer, ce n'est pas évident. Ce petit bouquin est tellement connu que j'avais presque l'impression de l'avoir déjà lu.

L'histoire d'un vieux pêcheur aux prises avec un gigantesque poisson, un combat où l'homme ne peut compter que sur son intelligence et sa ténacité pour vaincre les forces de la nature. Et au final, il peut vaincre et échouer en même temps. L'écriture minimaliste d'Hemingway rend le récit extrêmement fluide et facile à lire, et les monologues quasi-permanents du vieux font de lui un personnage vivant et attachant. Il ne pense qu'à la pêche, au base-ball et à la religion. Mais aussi à son ami le gamin, à qui il aimerait pouvoir prouver sa force en ramenant ce gigantesque poisson. Au fond, il s'acharne simplement par orgueil. Je ne sais pas vraiment quoi en penser. C'est très bon, cela ne fait aucun doute, mais le texte est si court et écrit de façon si minimaliste qu'il en presque immatériel. C'est un style, et de ce point de vue là c'est parfaitement réussi, mais peut être que ce n'est pas vraiment mon truc, ou pas sur un texte aussi court, puisqu'une fois le livre refermé, j'ai ressenti comme un manque. Cette simplicité le rend cependant accessible à tous, ce n'est pas étonnant qu'il ait encore aujourd'hui un si grand succès. Bref, c'est simple, beau et accessible. Un petit classique à conseiller surtout aux jeunes (voir très jeunes).

149 pages, 1952, Folio

mardi 23 avril 2013

Bifrost 70 - Dossier Stephen Baxter


Bifrost 70 - Dossier Stephen Baxter
Du britannique Stephen Baxter, je n'ai lu que trois roman, mais ce fut à chaque fois une grosse claque, le genre de voyage à travers le temps et l'espace qui, une fois qu'on en a terminé, laisse rêveur. Cet auteur a le don de nous remettre à notre place, minuscule civilisation que nous sommes au milieu d'un univers aussi vaste qu’inconnu, et sur une échelle de temps ridicule. Bref, même si ses personnages et son écriture sont souvent purement utilitaires, je recommande chaudement Les vaisseaux du temps, et les deux premiers tomes de la trilogie des univers multiples, Temps et Espace. Maintenant, passons à ce numéro de Bifrost, en commençant par les nouvelles.
  • Stephen Baxter était attendu au programme. L'invasion de Vénus est caractéristique d'une préoccupation centrale de l'auteur : l'univers semble finalement abriter la vie un peu partout. Un vaisseau extraterrestre se pointe dans le système solaire (chouette !), mais ignore totalement la Terre (zut) et se dirige vers Vénus. L'histoire est racontée à partir des discussions de deux terriens, et cela fonctionne très bien. Un bon texte.
  • J'ai découvert Catherine Dufour avec Le Goût de l'immortalité, roman qui m'avait laissé un peu perplexe : je crois que je suis passé à coté. Ici, la nouvelle La tête raclant la Lune prend place dans un Seattle fort lointain et nous raconte une histoire de meurtres par morsures de serpent. Mais le plus intéressant dans ce récit, c'est l'inversion de la vision  ... "classique", dirons nous, des rôles homme/femme. Les mondes de la police comme celui du crime sont féminins, ce sont les femmes qui ont un gout pour la violence et les hommes qui en sont le plus souvent les victimes. C'est cette originalité fort bien mise en scène qui rend le texte intéressant.
  • L'action de Aleph-zéro d'Olivier Caruso se déroule uniquement dans le TGV Marseille-Paris, et met en scène les retrouvailles de deux personnages bien différents. D'ailleurs, leur relation n'est pas très crédible, d'autant plus qu'ils ne se sont "jamais adressés la parole au lycée" et que bien qu'ils ne semblent pas s’être revus depuis (c'est à dire 15 ans) ils se comportent en vieux amis. L'ensemble est en fait une histoire de mondes parallèles et de modification de la réalité. C'est parfois pas très clair et un peu confus, mais finalement, l'ensemble rend plutôt bien.
  • De Xavier Mauméjean, je n'ai lu que Bloodsilver. Les Mémos Wayne se présente sous la forme d'anciens documents prouvant que Batman est en fait une création de l'URSS. Le concept est vraiment sympa, mais en quatre pages sous forme de documents, on a pas le temps d'aller bien loin. Cela reste donc juste une idée marrante.
  • Par Stephen Baxter on a commencé, par Stephen Baxter on terminera. Diagrammes du vide se rattache à l'univers Xeelees, et comme je n'ai lu aucun roman en faisant partie, je ne sais pas en quoi cela influe sur la compréhension de la nouvelle. Sur un artéfact cubique de la taille d'une planète, un amnésique doit comprendre ce qui se cache sous ses pieds. C'est un récit de jeunesse de Baxter, et cela se sent : il y a moins de maitrise que dans le premier texte de ce Bifrost, et les aspects scientifiques sont un peu moins accessibles. Enfin, rien de vraiment gênant, puisque Baxter sait une fois plus charmer le lecteur avec ses thèmes favoris.
Après les critiques des nouveautés et l'interview d'un libraire, on passe au dossier Baxter, qui commence comme il se doit par une interview. On aimerait toujours que les auteurs nous révèlent des secrets fascinants et qu'ils se lancent dans de grands discours renversants, mais bon, Baxter n'est finalement pas très loquace. Il y a tout de même de quoi satisfaire le lecteur.
Ensuite, Stephen Baxter prend pleinement la parole à travers un article traduit sous le titre d'Enfants de la singularité urbaine. C'est plutôt original et surprenant, puisque Baxter nous parle de lui et de la SF à travers l'histoire de sa ville natale. Si au début on peut croire qu'il s'agit d'un cours d'histoire un peu vain, on comprend vite où l'auteur veut en venir, et l'évolution brutale de cette petite ville se révèle être une image de la SF, littérature du changement par excellence.
L'article suivant se consacre à l'univers des Xeelees, création majeure de Baxter qui s'étend sur 7 romans et plus d'une cinquantaine de nouvelles. Après une vue globale, l'article se concentre sur chaque roman en particulier. C'est bien foutu, et ça a renforcé mon envie de mettre à la trilogie des enfants de la destinée.
On passe à l'inévitable dossier critique des autres œuvres de Baxter. Le lecteur devrait trouver de quoi faire son choix (moi il faut que je me procure Évolution). Cependant, on a ensuite droit à 8 pages listant les romans et les 200 nouvelles de Baxter. Pourquoi pas, mais l’intérêt pour le lecteur lambda comme moi est plutôt limité. J'aurai préféré en savoir plus sur les romans de Baxter non publiés en France. De ce point de vue là on a simplement la critique d'Anti-ice, j'aurai aimé avoir des informations sur les autres. Les couvertures anglaises et quelques lignes d'explication pour chaque roman auraient suffi.
Fin du dossier. Pour conclure, la rubrique ScientiFiction s'intéresse aux menaces invisibles, à savoir les radiations, bactéries et autres virus. Intéressant tout ça, et l'article m'a bien fait sourire quand j'ai vu qu'il se terminait sur une citation de l'agent Smith dans Matrix.

Bref, si l'on s'intéresse à Stephen Baxter, il n'y a pas de raisons de se priver de ce Bifrost comme d'habitude perfectible mais très plaisant à parcourir. Les nouvelles sont globalement convaincantes, plus que dans le numéro précédent. J'aurai quand même bien voulu en savoir plus sur la partie de l’œuvre de Baxter inconnue dans nos contrées, mais en tous cas, il y a largement de quoi faire son choix parmi ses œuvres traduites. Et la couverture est magnifique, parfaitement dans le ton, Manchu assure.

185 pages, Le bélial'

dimanche 21 avril 2013

Les profondeurs de la terre - Robert Silverberg


Les profondeurs de la terre - Robert Silverberg

Les profondeurs de la Terre n'est pas un roman de de Robert Silverberg tout à fait comme les autres. Il a été pensé comme un hommage au Cœur des ténèbres de Joseph Conrad. Un hommage à la fois proche et bien différent de son modèle.

Gundersen à été pendant 10 ans l'un des responsables de la Terre de Hoffman, une planète lointaine annexée par la Terre. La planète a pourtant retrouvé son indépendance, et la majorité des humains, Gundersen compris, sont allés voir ailleurs, laissant enfin tranquilles les indigènes. Les Nildoror ressemblent à des éléphants alors que les Sulidoror sont des hominidés. Ces deux races, bien que n'ayant pas développé de civilisation selon les normes humaines, sont intelligentes. Et, allez savoir pourquoi, elles ont supporté l'occupation de leur planète, voir même leur asservissement, avec un calme surprenant. Et bien des années après l’indépendance, Gundersen se sent rappelé par cette planète sur laquelle il a commit bien des fautes en considérant des êtres intelligents comme des animaux. Envahi par un puissant désir de rédemption, il va tenter de participer à la Renaissance, cérémonie aussi mystérieuse aux yeux des humais que sacrée pour les indigènes.

L'influence d'Au cœur des ténèbres saute aux yeux. Un homme s'enfonce dans une jungle hostile, mais finalement parvient a progresser sans trop de peine. Le danger vient certes de l'environnement, mais pas d'une manière classique. Ici, pas de fusillades ou de méchantes créatures à terrasser, il faut simplement prendre garde à ne pas se laisser dévorer par la planète. Il en découle un rythme lent, en rien gênant, puisque la progression tranquille de Gundersen est ponctuée de rencontres avec des humains solitaires ou des autochtones aussi serviables que mystérieux. Hommage ultime, l'un des personnage a pour nom Kurtz, et bien sur, c'est un homme fort qui s'est fait avalé par son environnement et n'a pas su contenir ses propres ténèbres. Les profondeurs de la Terre est une quête de rédemption plutôt calme au cœur de l'inconnu qui, comme toujours chez Silverberg, se laisse lire avec un grand plaisir. Cependant, la conclusion optimiste est un peu trop mystique à mon gout et ne ne m'a pas vraiment convaincue. Dommage.

Bref, Les profondeurs de la Terre est un énième bon roman signé Silverberg, mais à mon sens inférieur à ses meilleurs. Ce voyage dans les profondeurs de la terre, aux relents de colonialisme et de rédemption, mérite tout de même le détour, mais pas en priorité.

285 pages, 1970, le livre de poche

jeudi 18 avril 2013

Le Maitre et Marguerite - Mikhaïl Boulgakov


Le Maitre et Marguerite - Mikhaïl Boulgakov
Écrit sur une période de plus de dix ans par Mikhaïl Boulgakov sous la dictature Stalinienne, Le Maitre et Marguerite n'a pu paraitre que bien après la mort de son auteur. On en apprend plus sur sa vie dans la longue introduction, écrite par l'un de ses amis, qui pourrait presque passer pour une nouvelle, et qui se révèle donc très agréable à lire en plus d’être instructive.

Le Maitre et Marguerite est un roman peu banal. Il est franchement compliqué d'essayer d'en extraire une trame claire, ou même un personnage principal. Tout commence lorsque deux hommes de lettres, se baladant tranquillement, rencontrent un mystérieux étranger, qui sera au cœur de tout le roman. Les deux hommes soutiennent que Jésus n'a jamais existé, et l'étranger affirme le contraire. Ce dernier, qui comme on l'apprend plus tard se nomme Woland, semble particulièrement bien informé sur le sujet, puisqu'il se met à raconter la vie de Ponce Pilate, gouverneur de Jérusalem responsable de la condamnation de Jésus. On retrouvera Ponce Pilate dans plusieurs chapitres, tout au long du roman. Et ce Woland, on comprend ensuite qu'il s'agit de Satan. Rien que ça. Satan est donc l'un des principaux protagonistes du roman de Boulgakov. Et on ne va pas s'en plaindre, car c'est lui et ses quelques compagnons qui seront à origine de l'avalanche d’événements étranges et surnaturels qui vont semer le chaos à Moscou. La première partie du roman nous fait suivre une vaste troupe de personnages confrontés à ces événements, ce qui amène son lot de situations aberrantes et souvent hilarantes, tandis que la seconde se concentre sur la quête de Marguerite à la recherche de son amant, le Maitre. Marguerite qui, en passant, sera notamment amenée à jouer les hôtesses lors d'un bal organisé par Woland, alias Satan.

Satan n'est en aucun cas associé à la classique image du mal absolu, bien au contraire. Burlesque, voir attachant, il est surtout l'image du chaos, semant parfois la mort, parfois la renaissance, et toujours l'incertitude et la folie. L'homme moderne et cultivé, assuré de la structure logique du monde, ne peut que tenter vainement de rester sain d'esprit en trouvant des explications abracadabrantes aux événements. On comprend que ce roman soit à l'origine de la chanson Sympathy for the Devil des Rolling Stones.

Le Maitre et Marguerite est une symphonie chaotique et burlesque qui n'oublie pas de dénoncer les maux de son temps, pleine d'humour et d'amour comme de mort et de tragédie. Enfin, surtout d'humour. Un régal.

640 pages, écrit entre 1928 et 1940, Pavillon Poche Robert Laffont

lundi 8 avril 2013

Bidoche - Fabrice Nicolino


Bidoche - Fabrice Nicolino
D'habitude, je ne parle pas des essais sur ces pages. Non pas que j'en lise beaucoup, mais bon, c'est surtout qu'il est particulièrement difficile de rendre compte d'idées exposées de façon souvent particulièrement dense et abstraite. Mais là, j'en tient un qui se lit comme un bon thriller, alors je saute sur l'occasion.

Le sous-titre, "l'industrie de la viande menace le monde", peut paraitre au lecteur non familier du sujet particulièrement alarmiste, une façon grossière d'attirer des acheteurs potentiels. Et ben non. Donc, combien d'animaux sont tués chaque année en France pour être transformés en steaks, lardons et autres nuggets ? Plus d'un milliard. Un milliard ! Rien qu'en France ! Sans compter les poissons ! Cela peu sembler ahurissant, mais si on divise ce chiffre par 65 millions, on obtient une moyenne de 15 animaux tués par an et par habitant (sans prendre en compte les import/exports donc), un chiffre finalement très petit. Ce milliard de porcs, poulets, vaches, lapins et autres, il faut tout d'abord les nourrir. Et ils mangent plus que les humains, bien sur. La France seule serait bien incapable de subvenir à leurs besoins. On importe donc, entre autres, du soja transgénique (coucou Monsanto) cultivé en Amérique du sud, probablement sur des terrains issus de la déforestation. Dans certains de ces pays, plus de la moitié des terres cultivables sont destinées aux animaux occidentaux. Au détriment des populations locales, qui n'ont plus qu'à aller tenter leurs chance dans les bidonvilles. En gros, les animaux engouffrent bien plus de nourriture qu'ils n'en produisent. Beaucoup plus. Ce milliard d'animaux, il faut aussi gérer leurs déjections. Et là, par contre, ils en produisent beaucoup. Quand ces déjections ne servent pas à fabriquer de la bouffe pour poulet, elles s'infiltrent dans le sol et polluent. Ainsi, de nombreuses nappes phréatiques bretonnes (région phare de l'élevage en France) ne sont déjà plus potables. Des virus profitent de ces conditions idéales pour muter et se développer, créant de nouvelles maladies. Ce milliard d'animaux, il faut les stocker. Dans des boxs ne permettant aucun mouvement, ou de vastes hangars remplis de tellement de poulets qu'ils ne peuvent pas plus bouger que dans une cage. L'occasion d'écorner les bovins, de castrer les porcs, de leur couper la queue et les oreilles (pour tenter d'éviter le cannibalisme), et de couper le bec des poussins. Le tout sans anesthésie, faut pas rêver. Ce milliard d'animaux, il faut aussi les tuer. Fabrice Nicolino raconte fort bien les condition dans lesquelles ce travail est effectué, mais rien ne vaut les images, que vous pouvez retrouver dans les quelques documentaires listés ci-dessous. Ces conditions sont également horribles pour les hommes, qui travaillent dans le sang, les tripes, la merde, passent leurs journées à tuer et à découper des cadavres. Et un milliard, ce n'est donc que pour la France.

On a aussi droit à quelques cours d'histoire, pour comprendre comment cette situation apparait le plus souvent comme normale. Et là, ce n'est pas une surprise : pognon, pognon, pognon. Les lobbys défenseurs de l’indéfendable ne manquent pas. Il y a même tout un chapitre consacré à ceux qui arrivent à faire passer le gavage des canards comme quelque chose d'indolore et naturel. Ah, et pour parler rapidement du style, il veut assez ironique. Cela nuit parfois à la clarté de l'ensemble, mais lui donne une chaleur et un ton personnel qui contribuent au plaisir de lecture. Bref, il serait vain d'essayer de faire de Bidoche un résumé potable ou de tenter d'en extraire simplement quelques chiffres. Vous l'aurez compris, c'est un bouquin passionnant, indispensable pour mieux comprendre cette industrie de l'absurde. Et choisir de ne pas la soutenir.

381 pages, 2009, Babel

Et pour terminer, voilà une sélection de documentaires pour approfondir le sujet en images :
  • Notre pain quotidien, une heure trente d'images de l'industrie de la bouffe, de la viande comme du végétal, sans aucun commentaire. Indispensable pour comprendre d'où vient ce que l'on mange.
  • Earthlings, documentaire se concentrant sur la condition des animaux dans l'industrie de la bouffe, de l'habillement, du divertissement et des loisirs. Très gore, mention spéciale aux scènes de cannibalisme entre porcs dans les élevages. Il en fait parfois un peu trop (la conclusion est bien lourde par exemple) mais on en sort pas indemne. Narré par Joaquin Phoenix.
  • Le monde selon Monsanto. Alors là, cette entreprise reine de l'OGM et des pesticides est vraiment une aberration. Sérieusement, c'est le mal incarné, prêt aux trucs les plus horribles et inhumains pour un peu plus de profit. Le cliché même de la multinationale qui veut dominer le monde. En pire.
  • H1N1: pourquoi c'est tombé sur les mexicains ? Un très bon documentaire pour comprendre comment une multinationale reine du porc est responsable de ce virus et écrase les populations locales.
  • Les alimenteurs, documentaire quasi-exclusivement composé d'interviews se penchant sur la France, et particulièrement la puissance du lobbying.

samedi 6 avril 2013

Un homme - Philip Roth


Un homme - Philip Roth

Un homme est mon premier contact avec Philip Roth, je ne savais donc pas trop à quoi m'attendre. La quatrième de couv' parle d'un roman "prenant pour territoire le corps humain", et finalement, il me semble que c'est peut être la meilleure façon de le décrire.

Tout commence par un enterrement, celui de l'homme en question. Une fois la cérémonie terminée, retour en arrière, sur ce qu'a été sa vie. On ne saura jamais son nom, ce qui accentue l'idée qu'il n'est qu'un homme parmi les autres, qu'un corps parmi les autres. Mais surtout, ce qui est flagrant, c'est le thème de la faiblesse de ce même corps : la dégénérescence, la maladie, la vieillesse. A vrai dire, les opérations chirurgicales et autres tentatives de réparation du corps constituent peut être le tiers du roman (voir la moitié), le reste étant constitué des déboires familiaux et sexuels du personnage et de sa plongée dans la solitude à l'occasion de la retraite. Bref, c'est pas joyeux, voir même difficile : j'ai plusieurs fois été écœuré par cette accumulation de problèmes de santé, ces détails sur des artères bouchées notamment. Le roman est assez déstructuré, puisque non chronologique. En conséquence, j'ai mis un certain temps à accrocher. Au début, cela me semblait être un peu vain et ne mener nulle part, mais au fur et à mesure que je me suis approprié le roman, je l'ai aimé de plus en plus.

Premier contact avec Philip Roth réussit, donc. Je suppose qu'Un homme n'est pas une de ses œuvres majeures, mais il n'est pas pour autant dénué d’intérêt. Il faut être prêt à subir un tas de problèmes médicaux pas très ragoutants et un début un peu poussif pour profiter de l'histoire d'un homme (d'un corps) parmi les autres, débordant de banalité. Banalité rendue par Philip Roth fort intéressante.

182 pages, 2006, Folio

jeudi 4 avril 2013

Moon Palace - Paul Auster


Moon Palace - Paul Auster

Moon Palace s'inscrit parfaitement dans l'ensemble de l’œuvre de Paul Auster. On y retrouve les mêmes thèmes : solitude, fuite, perte ... Et, en ce qui me concerne, cela fonctionne toujours aussi bien.

Le récit nous est narré par son protagoniste principal, Marco Stanley Fogg, et évoque les quelques années d'errance vécues pendant sa jeunesse. Enfin, quand je dis errance, c'est à nuancer. Pendant la majeure partie du récit, il est à New York, mais ce n'est pas parce qu'il reste à un seul endroit qu'il n'est pas perdu. Enfant déraciné, sans autre famille que son oncle mort il y a peu, il n'a pas grand chose à quoi se rattacher, son caractère extrêmement introverti n'arrangeant rien. On retrouve encore une fois ce qui commence à m'apparaitre comme un classique chez Paul Auster : cette perte de contact avec la réalité, avec le monde social, cette volonté de se laisser chuter, sombrer, alors qu'il ne serait pas si compliqué d'arranger la situation. Et c'est ainsi que Fogg va se retrouver clochard à Central Park. On est qu'à une cinquantaine de pages du début du roman, et son héros semble déjà avoir touché le fond.

Heureusement, si lui est totalement muré dans son ego, il se trouve que quelques personnes s'intéressent à lui et vont le tirer de là. S'en suivra une histoire d'amour et, surtout, la rencontre avec un vieillard aussi excentrique que tourné vers lui même (oui, lui aussi). La relation avec ce vieillard occupe une grande partie du roman, et sera l'occasion pour le narrateur d'apprendre (un peu) à s'ouvrir aux autres, mais aussi de se faire conter la vie de ce vieux, vie également très imprégnée par les obsessions de Paul Auster que sont la fuite et la solitude. La structure est donc assez éclatée, puisque les personnages secondaires occupent une bonne part de la narration. Le roman se poursuit sur la figure du père perdu et s'achève dans un grand vide. Il est fort possible que certaines personnes ne supportent pas le coté profondément égocentrique de tous ces personnages. Il faut bien avouer qu'ils sont parfois insupportables. Pourtant, de mon coté, c'est bien ce que je trouve particulièrement intéressant, et même fascinant.

Encore une fois, Paul Auster explore superbement la solitude, ou plutôt la volonté de solitude, le vide, la fuite. Il est impossible de passer à coté de ces thèmes qui sont au centre du roman, et mieux vaut y être sensible pour l'aimer. C'est mon cas : Moon Palace est une très bonne lecture.

317 pages, 1989, Le livre de poche