samedi 30 mars 2013

Les meilleurs récits de Unknown


Les meilleurs récits de Unknown
A l'image de Weird Tales, Unknown était un magazine publiant des textes oscillants entre fantastique et science fiction. Et à l'image de Weird Tales, la qualité était au rendez-vous ! Du moins, c'est ce qui nous est affirmé dans l'introduction. Hop, je m'empresse de vérifier ça à travers ces quelques textes publiés entre 1939 et 1942.

  • On commence tout de suite dans le bizarre avec Hier, c'était lundi de Theodore Sturgeon. Un beau matin, un mécanicien  se réveille un mercredi tout en sachant pertinemment que la veille, on était lundi. Et en allant au travail, il se rend compte que des centaines de petits hommes sont occupés a vieillir à la main tout les objets de la ville : cabosser les pare chocs, déposer de la poussière, faire des accrocs dans les murs ... C'est bizarre, et tant mieux : c'est très bon, et plutôt marrant. 
  • Armageddon de Frederic Brown (que je connaissais déjà avec le sympathique Martiens, go home) ne fait que 10 pages, mais cela suffit pour raconter cette histoire d'enfant sauveur de l'humanité avec un ton très humoristique. 
  • Régime sec, de H.L. Gold, est une nouvelle que j'ai vraiment adorée. Un homme parti à la pèche pour fuir son insupportable famille s'embrouille avec un gnome marin et se retrouve affligé d'une terrible malédiction : désormais, l'eau le rejettera. Cela signifie que s'il essaie de se laver les mains, l'eau du robinet fera des détours pour l'éviter, ou encore que s'il essaie de prendre un bain, l'eau de sa baignoire inondera la salle de bain pour le fuir. Sans parler du simple fait de boire ... Le concept est très sympa, mais surtout, c'est très drôle. Le pauvre héros pas très malin se retrouve dans des situations impossibles, et j'ai bien rigolé. Un très bon texte.
  • La nouvelle suivante, Ces gens là, est de Robert Heinlein, que j'avais découvert avec Étoiles, garde à vous (alias Starship Troopers), roman qui m'avait dégouté de son auteur à cause de son idéologie militariste nauséabonde (contrairement l'adaptation cinématographique par Paul Verhoeven que ne peut m’empêcher de vivement recomander dès que j'en ai l'occasion). Cependant, cette nouvelle m'a fait nuancer mon jugement. On y suit un paranoïaque enfermé dans un asile, et au fil de ses réflexions, on en vient presque à être d'accord avec lui ... 
  • Pleine Lune, de Manly Wade Wellman, a pour personnage principal ... Edgar Allan Poe ! Alors qu'il est en quête d'inspiration, Poe va enquêter sur une étrange rumeur d'enterrement prématuré. Cette nouvelle est agréable grâce à celui qu'elle met en scène, sinon il s'agit d'une histoire de vampire un peu trop classique par rapport à ce qui précède pour vraiment convaincre. 
  • Un mec préhisto, de L. Spargue de Camp, nous propose comme son titre l'indique une rencontre avec un homme préhistorique. Ce dernier vivait il y a 50000 ans quand un éclair l'a frappé ... le rendant immortel. Et voilà qu'une anthropologue tombe sur lui par hasard. Cette nouvelle a vite triomphé de mon scepticisme, elle tout à fait maitrisée et très marrante. Cet homme de Neandertal est vraiment sympathique, et s'il a réussit à survivre jusqu'ici, peut être qu'attirer sur lui l'attention de scientifiques n'est pas un bon moyen de continuer dans cette voie ... Un très bon texte, décalé et drôle. 
  • Le psychomorphe de E.A. Grosser est le moins bon texte de l'anthologie jusqu'à maintenant. Cette histoire de créature adaptant sa forme en fonction de chaque personne n'est pas crédible, l'ensemble n'est pas vraiment convainquant. Pas nul, donc, mais largement inférieur à tout ce qui précède.
  • Heureusement, avec La cape de Robert Bloch, on retourne bien vite dans la qualité. Un homme invité à une réception costumée se retrouve dans une obscure boutique pour se procurer un déguisement. Et voilà que l'étrange propriétaire lui propose une cape de vampire, soit disant authentique ... Cette cape ne va pas le transformer en vampire, mais lui en donner le comportement et l'apparence. C'est vraiment très bien écrit, les situations sont souvent savoureuses, tout comme les dialogues. Et, encore une fois, l'humour fait mouche.
  • Dans La colline et le trou, de Fritz Lieber, une colline semble en fait être un trou ... ou est-ce l'inverse ? Quoi qu'il en soit, il y a quelque chose de louche là dessous. Un bon texte, qui ne fait pas partie des meilleurs de l'anthologie, mais un bon texte tout de même.
  • Dans Profession: demi-dieu de Nelson S. Bond, un homme raconte comment il est passé du statut de musicien à celui de dieu olympien. Encore un texte sympatique qui se laisse lire tout seul.
  • Et pour finir, La troisième porte de Henry Kuttner met en scène un homme qui compte invoquer un démon et triompher de lui par la logique et la force de son esprit. D'après les termes du pacte, ses deux vœux se réaliseront quand il passera sous deux portes de certaines couleurs. Et quand il passera la troisième porte, dont il ne connait pas la couleur ... il se fera dévorer par le démon. Il va donc essayer de triompher du démon par l'art de la manipulation pour connaitre la couleur de cette porte. Un fort bon texte pour conclure le recueil.

Cette petite anthologie qui n'a l'air de rien contient donc presque exclusivement des bons textes, et mêmes plusieurs qui sont plus que bons. C'est toujours orienté vers le bizarre et le décalé, non sans une bonne dose d'humour. Une très bonne lecture pour l'amateur du genre que je suis, donc.

285 pages, J'ai lu

mercredi 27 mars 2013

L'éternel mari - Dostoïevski


L'éternel mari - Dostoïevski

L'éternel mari, roman assez court restant souvent dans l'ombre des pavés les plus connus de Dostoïevski, pourrait passer pour une œuvre de jeunesse. Et bien pas du tout : il a été rédigé entre L'idiot et Les démons. Et cela se ressent, car contrairement au Double, qui est vraiment  une œuvre de jeunesse, L'éternel mari est parfaitement maitrisé.

Assez étonnamment, ce roman semble plus pencher du coté du vaudeville que du drame. On y retrouve un classique triangle : le mari, la femme et l'amant. Sauf que l'action se déroule longtemps après que l'amant ait cessé d'en être un, et même après la mort de la femme. L'ex-amant, Veltchaninov, en pleine crise psychologique, va recroiser par hasard (ou pas) le mari endeuillé, Troussotzky. Est-il au courant de l'infidélité de sa femme ? Que veut-il vraiment ? Il se trouve qu'il est également venu avec sa fille, qui n'est peut être pas la sienne. Dans L'éternel mari, le ton est certainement un peu plus léger que dans la plupart des œuvres de l'auteur. Mais même du Dostoïevski léger reste très riche et complexe, toujours intéressant et captivant. Et comme toujours, il y a quelques scènes particulièrement géniales. Ici, la plus marquante à mon gout, c'est celle où Veltchaninov, l'éternel mari en question, se fait totalement humilier par des gamins. Il veut se remarier avec une fille de 15 ans, mais celle-ci ne se laisse pas faire : avec l'aide de ses amis, à l'occasion d'une séance de jeux en plein air, elle montre tout son mépris à Veltchaninov, homme faible qui ne peut qu'enrager dans son coin. Comme toujours chez Dostoïevski, on rit, mais d'un rire grinçant, au détriment des personnages.

L'éternel mari à beau être un roman mineur en comparaison des monstres littéraires que nous a offert Dostoïevski, il n'en reste pas moins de très grande qualité. Un fort bon choix quand on a envie de lire du Dostoïevski sans avoir le temps de s'enfiler mille pages écrites en petit caractères. Et en bonus, le commentaire de l’œuvre est pertinent tout en étant bref. L'occasion d'apprendre que Dostoïevski a écrit ce roman en trois mois, principalement de nuit, alors qu'il vivait presque dans la misère en Europe.

240 pages, 1870, le livre de poche

vendredi 22 mars 2013

Champ Mental - Franck Herbert

Champ Mental - Franck Herbert

Comme la plupart des gens, j'ai découvert Franck Herbert avec le cycle de Dune. C'était à l'époque où je me jetais franchement dans la SF, avec pour ambition de prendre un bon départ en lisant les cycles Fondation, Hyperion et Dune. Et contrairement aux deux premiers, Dune ne m'a vraiment pas enthousiasmé. Déjà, on a plus l'impression de lire de la fantasy que de la SF, à cause de l'organisation sociale de la planète et des magouilles familiales omniprésentes, mais surtout, l'histoire sombre progressivement dans un blabla mystico-philosophique franchement insupportable. J'ai abandonné au milieu de l’avant dernier tome. Mais comme je suis sympa, je donne une seconde chance à Franck Herbert avec ce petit recueil qu'est Champ Mental.

  • Il est indiqué en quatrième de couv' que la première nouvelle, Essayez de vous souvenir (1961), donne le ton au recueil. Et bien franchement, j'espère que non, parce qu'elle est vraiment nulle. Il s'agit de celle illustrée sur la couverture : un immense vaisseau spatial se pointe dans le désert, et menace de détruire l'humanité si celle-ci de parvient pas à communiquer avec ces nouveaux venus. Déjà, il est à noter que l’héroïne a parfaitement intégré les normes sexistes de son époque. Entres autres, elle passe son temps à chouiner, se réfère à son défunt mari comme à son maitre à penser et se dit ce genre de truc : "Mais que peut faire une femme seule face à d'aussi impitoyables comploteurs ?". Ensuite, le pitch est sympa, mais pas vraiment bien traité. Les scientifiques sont censés être sur place depuis sept mois, pendant lesquels on a l'impression que rien ne s'est passé, et surtout, tout le monde se comporte de façon totalement stupide. Même les aliens. Et le pire, c'est la conclusion, qui prend la forme d'une envolée mystique aussi ridicule qu’indigeste.
  • Heureusement, la seconde nouvelle, Meurtre vital (1970), relève le niveau (ce qui, en même temps, n'était pas vraiment compliqué). Tout son intérêt vient de l'entité qu'elle nous fait suivre : un parasite qui vole les corps de diverses espèces vivantes. Il a même vécu sur d'autres planètes, en utilisant comme hôte d'autres formes de vie intelligente. Mais cette fois, il semble bien que quelques humains soient à sa poursuite. L'ensemble est parfois assez confus, mais se laisse lire sans souci.
  • Je ferai ce même reproche de manque de clarté à Champ Mental (1962). L'histoire se déroule dans un futur lointain dans lequel l'humanité est totalement inhibée contre la violence (je ne suis pas sur d'avoir tout saisi). Bref, voilà qu'un beau jour un "ancien" est ramené à la vie, pour aider à mieux comprendre de vielles armes entreposées dans des souterrains. C'est pas franchement passionnant, ça ressemble au synopsis confus d'un roman. 
  • Martingale (1973) fait moins de dix pages, et malheureusement, n'a pas le temps de se développer suffisamment. Dommage, ce concept d’hôtel étrange retenant ses occupants prisonniers pour les soigner de leur addiction aux jeux de hasard pouvait être intéressant, mais la fin arrive juste quand on commence à comprendre de quoi il s'agit.
  • Dans Chiens Perdus (1954), un virus décime tout les canidés de la terre. Un scientifique se fait aider par des extraterrestres pour trouver un remède. Bof bof. Encore un texte passable. 
  • Le comité du tout (1964) est un peu plus intéressant. Lors d'un procès, un éleveur révèle au monde qu'il a crée une arme extrêmement simple à fabriquer capable d'anéantir une armée, et il a fait en sorte que chacun puisse en posséder une. En fait c'est ce qu'il souhaite. Ben oui, si chaque personne sur Terre possède une puissance de feu capable d'anéantir des nations, la paix va régner, puisqu'il va falloir apprendre à respecter les autres. Logique, n'est-ce pas ? Une idée quelque peu nauséabonde qui semble toujours d'actualité pour certains.
  • On termine avec Selon les règles (1966), un texte franchement opaque qui essaie vainement de nous impliquer dans la réparation d'un espèce de système de transport interstellaire. Pour le fun, j'en extrait une petite description de l'épouse parfaite : "Ç'avait été une bonne épouse, Jennie. Elle avait élevé Lisa sous les dômes de plastique de Mars et était restée aux cotés de son homme jusqu'à ce que l'air en conserve et la vie rude finissent par avoir raison d'elle."

Bon, ce n'est pas ce recueil qui m'aura réconcilié avec Franck Herbert. Même s'il s'y cache quelques trucs intéressants, l'ensemble est plus que passable. Il n'est pas difficile de trouver des nouvelles de SF bien plus intéressantes. Ici ou par exemple (certes, ce n'est pas la même époque, mais c'est à des années lumières niveau intérêt).

253 pages, Pocket

jeudi 14 mars 2013

Spin - Robert Charles Wilson

Spin - Robert Charles Wilson

Spin, c'est quand même un gros morceau. J'en entend parler depuis quelques temps comme étant le meilleur roman de SF de ces dernières années, un incontournable. Je ne connaissais pas encore Robert Charles Wilson, alors face à une telle réputation, il fallait bien que ça change.

Spin, comme souvent dans les romans de SF, c'est avant tout un concept. Ici, le spin en question, c'est une membrane qui tout d'un coup apparait autour de la Terre, coupant notre chère planète du reste de l'univers. Le spin, en plus de cacher les étoiles, a l'effet d'un gigantesque congélateur : à l'intérieur, le temps s'y écoule des millions de fois moins vite que dans le reste de l'univers. Ce n'est pas sans causer quelques problèmes, le principal étant que le soleil risque en prenant de l'age de rendre la Terre invivable d'ici seulement quelques décennies (selon l'échelle de temps ralenti par le spin). Et surtout, d'où sort ce truc ? Cela doit bien venir d'une forme d’intelligence ... Et quel est son but ? Bref, quelques interrogations métaphysiques sont à prévoir. Surtout que l'état nouveau de la Terre permet de rendre possible les idées les plus folles. Terraformer Mars prendrait un temps fou, mais à l'échelle de temps de la Terre sous spin, ce ne serait le travail que de quelques années ...

Tout cela, c'est, disons, le "contexte SF" du roman. Cependant, Spin a la particularité d’avoir une narration particulièrement humaine. Pas de voyage renversant dans l'espace ou le temps comme par exemple chez Stephen Baxter. Ici, tout est vu depuis la Terre et nous est raconté par le narrateur : Tyler Dupree. Tyler a grandit avec deux faux jumeaux. Jason, élevé pour être l'héritier de son père, un homme aussi puissant que déterminé, sera une fois adulte responsable, en gros, de la gestion mondiale du Spin. Quand à Diane, elle suivra le chemin de la religion, tout en entretenant des relations assez troubles avec Tyler. La narration est globalement linéaire, mais est environ tout les trois chapitres interrompue par une trame se déroulant chronologiquement plus loin dans le récit. Comme on s'en doute, les deux trames se rejoindront à la fin. Cette construction est parfaitement maitrisée, et il en va de même avec les personnages, qui sont profondément humains et crédibles, avec leurs tourments et leurs faiblesses. De même, l'humanité en général est faible : face à la perspective de leur fin, nombreux sont ceux qui cèdent à la peur et au désespoir, créant ainsi un certain chaos (chaos fort plaisant pour le lecteur). Je reprocherait tout de même au livre une morale écologique un peu facile, qui nous dit que l'humanité ne prend pas soin de sa planète et que du coup on va tous mourir. Enfin, c'est vraiment histoire de trouver un truc à critiquer. Et de toutes façons, malgré tout, quand l’humanité se voit offert la chance de tout reprendre à zéro, elle ne semble pas vraiment se souvenir des erreurs de passé ...

Bref, je n'irai pas jusqu'à qualifier Spin de chef-d’œuvre. Il manque peut être un petit quelque chose à mon gout, notamment une fin plus marquante ... Mais c'est chipoter : Spin reste un excellent roman, intelligent et parfaitement maitrisé, bien difficile à lâcher une fois en main. Les amateurs du genre devraient se régaler. Et les autres aussi, puisque Spin doit, il me semble, son énorme succès à sa sobriété et à son traitement très humain, éléments qui le rendent relativement accessible à un lectorat non habitué à la SF.

608 pages, 2005, Folio
Bien qu'il soit le premier tome d'une trilogie prolongée par Axis et Vortex, Spin peut se lire seul.

samedi 9 mars 2013

Bifrost 45 : Robert Charles Wilson & Greg Egan

Bifrost 45 : Robert Charles Wilson & Greg Egan

Je viens de mettre la main sur un ancien numéro de Bifrost, le premier de l'année 2006 pour être précis. Bizarrement, la couverture me semble n'avoir strictement aucun rapport avec le contenu, mais passons, et voyons donc les trois nouvelles au sommaire.

On commence avec Divisé par l'infini de Robert Charles Wilson, auteur m'ayant jusqu'à présent échappé (mais je compte bien y remédier : le tant acclamé Spin est en bonne place sur ma pile de bouquins). L'histoire commence alors que le narrateur, quelque peu suicidaire depuis qu'il a perdu sa femme, trouve dans une bouquineries de vieux livres de SF d'auteurs bien connus. Sauf ces livres, pourtant bien authentiques, n'ont jamais été écrits. Bref, aidé par quelques autres indices que l'auteur sème judicieusement pour éveiller (avec succès) l’intérêt du lecteur, on comprend qu'il va s'agir d'univers parallèles. Mais il y a aussi des extraterrestres, parce qu'il serait bête de faire les choses à moitié. Et tout cela fonctionne parfaitement bien : cette nouvelle est passionnante.  Il y a tout ce qu'il faut : de bonnes idées métaphysiques, un personnage crédible, une écriture fluide (et des extraterrestres !). Un excellent premier contact avec Robert Charles Wilson.
Ensuite, Ivoire équarri de Luc Dutour change totalement de registre. L'histoire se déroule au temps où la France avant encore des colonies en Afrique et met en scène deux agents chargés de retrouver un éléphant disparu. S'il n'y parviennent pas, ce sera la guerre entre éléphants (parlants) et humains. Le ton se veut rocambolesque et décalé, mais je n'ai que moyennement accroché. Si parfois la formule fonctionne, l'ensemble ne m'a pas vraiment enthousiasmé.
On termine avec Yeyuka de Greg Egan, auteur que j'ai déjà fréquenté avec grand plaisir dans Axiomatique et Radieux. Un chirurgien se retrouve dans le tiers monde, à opérer à la chaine des victimes du yeyuka, une forme évoluée de cancer, d'après ce que que j'ai compris. Comme toujours chez Greg Egan, l'aspect anticipation est passionnant : il est ici particulièrement tourné vers la médecine. J'ai lu de lui de meilleures nouvelles, mais celle-ci reste très bonne.

Après les critiques, on a droit à plusieurs entretiens. Le premier concerne Maurice Dantec, et les thèmes abordés m'ont plutôt intéressés. Le second, celui avec Greg Egan, est un peu court à mon gout, et est suivit d'une petite étude de son œuvre. On termine cette série de dialogues avec Robert Charles Wilson. C'est l'entretien le plus long et celui qui m'a semble le plus instructif. Ensuite, on découvre une partie de l'histoire de la SF en France avec Villiers de l'Isle-Adam, auteur notamment de L'Eve future. Je ne connaissait pas, et l'article m'a donner envie de m'y plonger si jamais l’occasion se présente. Et pour finir, j'ai dévoré avec un grand plaisir la rubrique Scienti-fiction, qui cette fois s'attache via un dialogue à envisager l'élaboration d'un gigantesque vaisseau destiné à sortir du système solaire.

On peut regretter que les dossiers concernant Robert Charles Wilson et Greg Egan soient si rachitiques (une nouvelle et un entretien, en gros) qu'ils ne méritent pas vraiment ce nom. Mais sinon, ce numéro de Bifrost se laisse lire avec plaisir, notamment grâce aux nouvelles et aux interviews des deux auteurs cités ci-dessus.

192 pages, Le Belial'

mardi 5 mars 2013

Un rêve d'Armageddon - H.G. Wells

Un rêve d'Armageddon - H.G. Wells

J'ai découvert H.G. Wells avec le chef d’œuvre qu'est La machine à explorer le temps. Une véritable pépite. J'ai ensuite lu La guerre des mondes et L'ile du docteur Moreau, qui ont un peu plus subis le passage du temps mais restent très bons. Le petit livre ici présent contient quand à lui deux nouvelles partageant une même ambiance onirique.

Dans La porte dans le mur, un ministre évoque un problème qui le tourmente depuis son enfance. Il se souvient avoir par hasard découvert une porte menant à un monde fantastique et merveilleux. Malheureusement, après y avoir gouté bien des plaisirs, la réalité l'a rattrapée. Puis, pendant le restant de sa vie, il lui est arrivé à plusieurs reprises de croiser à nouveau cette fameuse porte, qui semble n'apparaitre qu'aléatoirement (si elle existe vraiment). Cependant, poussé à chaque fois par les mornes nécessités de sa vie d'homme fort occupé, il est à chaque fois passé à coté sans l'ouvrir. Cette vision d'un homme hanté par un monde idyllique découvert pendant son enfance n'est pas sans me rappeler le cas de Randolph Carter dans La clé d'argent de Lovecraft. Quoi qu'il en soit, on a ici un récit onirique assez sombre, remettant en question l'importance des honneurs et des satisfactions qui font le le charme de la vie réelle.

Un rêve d'Armageddon, c'est le récit que fait un homme à un autre de ses rêves. Ces rêves, à vrai dire, n'en sont pas vraiment : ils ont une telle force, un tel impact, qu'ils prennent souvent plus de place que la vie éveillée du rêveur. Dans ces rêves, situés quelques centaines années dans le futur, le rêveur est un homme de pouvoir, l'un des leaders d'une vaste nation totalitaire. Cependant, il a renoncé à sa position pour une vie de plaisir en compagnie de la femme qu'il aime. Bien sur, cela ne peut être aussi simple. Il était le seul à pouvoir réfréner les ardeurs du dirigeant de son pays, et maintenant qu'il n'est plus là, ce dictateur se sent venir des envies de guerre. Il pourrait encore faire marche arrière, renoncer à son amour pour aller régler la situation : il est le seul homme à pouvoir empêcher la guerre. Mais il choisit de rester avec la femme qu'il aime. Et la guerre éclate. Si le précédent récit ne se distinguait pas par son optimiste, celui-ci est terriblement pessimiste. Il dépeint un monde où l'homme doit choisir entre le bonheur véritable et ses énormes responsabilités. Mais ici, aucun choix n'est le bon. La guerre semble être un mal inévitable, inhérent à la civilisation, qui d’ailleurs est toujours dirigée par quelques hommes ivres de puissance tenant entre leurs mains la vie de centaines de millions d'autres.

Ces deux nouvelles partagent plusieurs points communs : à chaque fois, un homme puissant est confronté à un rêve inaccessible, qui finalement sera sa perte. Deux bons textes oniriques et pessimistes, servis par le style simple et fluide de Wells.

109 pages, Folio
Un autre avis sur Naufragés Volontaires

dimanche 3 mars 2013

La maison du cygne - Yves & Ada Rémy

La maison du cygne - Yves & Ada Rémy

La maison du cygne est un roman assez particulier. C'est de la SF, il y a même un conflit galactique en fond, mais pourtant, la narration ne sort jamais de notre Terre et ne s'attarde quasiment que sur le destin de quelques enfants. En effet, la première partie du roman se déroule au Castel d'El Golem, un lieu bien étrange perdu dans les sables africains, qui sert de résidence et d'école pour 25 enfants. Ces enfants, comme on peut s'en douter, ne sont pas des enfants ordinaires.

Pour mieux comprendre, il faut s'attarder un peu sur le conflit évoqué plus haut. Le livre nous laisse souvent dans l'incertitude, mais l'on comprend rapidement que deux factions s'opposent : le Cygne et l'Aigle. Il sont nommés ainsi à cause des constellations du même nom. D'ailleurs ce n'est pas très logique : comment des factions extraterrestres peuvent-elles se nommer selon les noms d'animaux terrestres donnés à des constellations visibles uniquement de la Terre et qui ainsi, à moins d'un hasard extraordinaire, ne peuvent pas représenter leurs véritables territoires ? Je chipote, je chipote. Ces enfants semblent donc être élevés par le Cygne dans le but de servir d'armes contre l'Aigle. On en saura pas beaucoup plus avant la fin (qui, en passant, est très réussie). Le roman nous parle avant tout des enfants du Castel. Et à ce propos, une chose est vraiment bien faite : lentement, sans que l'on s'en rende compte, l'un de ces 25 enfants est subtilement mis en avant jusqu'à devenir le personnage principal. Parler d'un large groupe d'individu sans que la frontière soit trop évidente entre personnages principaux et secondaires est une tache ardue, et j'ai trouvé que c’était particulièrement réussi ici.

Le lecteur suit donc l'enfance et l'éducation des jeunes habitants du Castel. L'écriture, qui peut sembler assez particulière au début, se révèle finalement très fluide et très humaine. La seconde partie du roman nous fait quitter le Castel et se révèle bien différente, parfois assez frustrante parce que, à l'image des personnages, on a que très peu d'informations sur ce qui se trame véritablement. Malgré tout, il faut avouer que cela fonctionne. On est emporté dans un monde désenchanté, où le nid douillet du Castel est bien loin. Le cocon de l'enfance est regretté ...

Au final, dans La maison du cygne, il n'y a pas beaucoup de SF. Il s'agit surtout d'un roman sur l'enfance et l'adolescence, et ce sujet particulièrement délicat est fort bien traité. Sorte de parcours initiatique d'un adolescent en quête de vérité et de sens à son existence, le roman d'Yves et Ada Rémy n'oublie pas d'avoir de bonnes trouvailles et de soulever d'intéressantes questions au passage. Une très bonne lecture.

283 pages, 1978, Presses Pocket