vendredi 24 août 2012

Le joueur - Dostoïevski

Dostoïevski - Le joueur

Avant d'aborder Le joueur, il est intéressant de savoir dans quelles circonstances Dostoïevski a écrit le roman. Pressé par son éditeur, le romancier a du livrer le manuscrit après seulement 27 jours de travail ! Certes, le récit trottait sans doute depuis un certain temps dans sa tête, mais cela explique notamment sa taille relativement modeste comparé à ses autres œuvres les plus connues.

Comme il est facile de le deviner, le sujet principal du roman est le jeu. Le jeu d'argent, pour être précis. On pourrait donc croire que le joueur, qui nous narre ses aventures à la première personne, est dès le début de l'histoire au cœur des casinos. Ce n'est pas le cas : pendant la majeure partie du roman, si le jeu est bien présent, le narrateur n'a pas encore sombré. Le joueur est un jeune homme intelligent, qui occupe le poste de précepteur dans une famille russe de passage dans une ville d'eau allemande. Il y a le colonel, homme d'age mur ruiné, amoureux de la belle Blanche, femme qui aime malheureusement les hommes proportionnellement à leur portefeuille, Des Grieux, un français qui semble avoir une grande influence sur le colonel, Mr Astley, un riche anglais timide et généreux, la grand mère, fortunée et puissante en plus d'avoir un sacré caractère ... Et il y a Pauline, qui entretient une relation destructrice avec le joueur. Lui est follement amoureux, et elle s'en moque, ce qui génère un rapport de domination qui ne mènera pas vraiment à de bonnes choses.

Je ne connais pas encore assez bien Dostoïevski pour savoir si c'est courant dans son œuvre, mais il est indéniable que si Le joueur est un roman dramatique, il ne manque pas non plus d'humour. Le narrateur prend plaisir à semer un certain chaos autour de lui, à créer la confusion, vexé qu'il est ne pas comprendre toute les subtilités des relations entre les différents protagonistes qui l'entourent, et il en ressort nombre de situations comique. La grand mère elle aussi provoque bien des sourires, tant sa personnalité est extravagante et sans gène. Puis les choses commencent vraiment à se gâter. L'argent est au cœur de tout, puisque c'est son manque qui est la cause du malheurs des uns et des obsessions des autres, et bien sur, c'est elle qui pousse à jouer. Le joueur va jouer, et il va gagner. Il va dilapider ses gains de façon futile, puis il retournera jouer. Et il n’arrêtera jamais. On connaissait la fin depuis le début, simplement en découvrant le tire du livre. Pouvait-il en être autrement ? On retiendra notamment les excellentes descriptions des parties de roulettes, qui profitent de l'expérience de Dostoïevski sur la question.

Le joueur est un roman court, bien construit et écrit avec talent, qui mêle avec réussite l'humour et le drame. C'est fou ce qu'on peut faire en 27 jours quand on est un écrivain de génie !

215 pages, 1865, Le livre de poche
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mercredi 22 août 2012

Diamond Dogs, Turquoise Days - Alastair Reynolds

Diamond Dogs, Turquoise Days - Alastair Reynolds

Sous ce titre étrange se cachent tout simplement deux nouvelles, Diamond Dogs et Turquoise Days. Celles ci se déroulent dans le même univers que le cycle des Inhibiteurs, composé en France de quatre romans plutôt épais. Pour commencer, un petit avant propos très intéressant nous en apprend  un peu plus sur la notion de space opera et sur l’œuvre d'Alastair Reynolds. Ensuite, on passe aux choses sérieuses ...

Diamond Dogs est une nouvelle de très grande qualité. Voir même un petit chef d’œuvre. Je l'ai lu d'une traite, et pas une fois pendant ses 150 pages il ne m'est venu à l'esprit de lâcher le bouquin. Le pitch est on ne peut plus simple : sur une planète X se trouve la Flèche, une tour, ou plutôt un organisme vivant (ou une machine ?) abritant un très grand nombre de salles. Chaque salle contient une énigme mathématique. Si les explorateurs la résolvent, une porte s'ouvre vers la salle suivante. S'ils se trompent, ils sont punis. Violemment.
Bien sur, nous allons suivre une petite équipe prête à braver les dangers de la Flèche. Un scénario qui n'a l'air de rien, mais pourtant, il est traité à la perfection. Tout d'abord, Alastair Reynolds maitrise totalement l'art du suspense, mais il m'a également semblé que son écriture s’est améliorée depuis L'espace de la révélation. Mais surtout, ce qui compte dans Diamond Dogs, ce n'est pas vraiment la récompense qui attend au sommet de la Flèche, ni les épreuves en elles mêmes, mais ce que les personnages seront prêts à sacrifier pour les résoudre. Ils ont beau se faire blesser, démembrer, leur obsession les pousse à retourner dans la tour aidés par de nouvelles prothèses. Si leur esprit ne peut plus aborder les problèmes complexes qui s'opposent à eux, si leurs corps ne peuvent résister, pourquoi ne pas améliorer tout ça ? Pourquoi ne pas sacrifier un peu d'humanité au profit de performances accrues ?

Turquoise Days nous entraine dans une ambiance radicalement différente. Turquoise est une planète océan sur laquelle est établie une communauté de scientifiques venus il y a bien longtemps étudier les Mystifs. Ces étranges organismes, déjà évoqués dans L'espace de la révélation, ressemblent à des iles flottantes, d'énormes amas d'algues mouvants. Ils ont la capacité de pouvoir modifier, copier et stocker l'esprit de ceux qui viennent communier avec eux, et vu qu'ils existent depuis bien un milliard d'années, la plupart de leurs visiteurs ont été des races non humaines ... De plus, il se trouve qu'un vaisseau approche de la colonie, qui n'a eu aucune visite depuis une centaine d'années. Il semble évident que ces voyageurs doivent avoir une raison bien précise pour venir dans un coin aussi perdu.
Cette virée sur Turquoise est également une très grande réussite, dans un genre bien différent de Diamond Dogs. L'univers est totalement dépaysant, et les Mystifs fascinants. La première plongée du personnage principal aux cotés (ou plutôt à l'intérieur) d'une de ces entités est un grand moment, et le reste de la nouvelle maintient constamment l’intérêt.

Au final, on a là deux nouvelles de très grande qualité. J'ai préféré Diamond Dogs, pour son ambiance claustrophobique et son traitement du thème de la déshumanisation volontaire, mais Turquoise Days est également dans le haut le panier de la science fiction. Ces deux textes sont des incontournables pour les amateurs de SF exotique et intelligente.

286 pages, 2003, Pocket
CITRIQ

mardi 21 août 2012

L'espace de la révélation - Alastair Reynolds

Alastair Reynolds - L'espace de la révélation

Un bon space opera, ça fait du bien de temps en temps. Ah, le frisson provoqué par la confrontation avec l’inconnu absolu, le vertige qu'apporte cette sensation de se sentir si petit, si insignifiant par rapport aux échelles de temps et d'espace qui régissent l'univers ...Voyons si ce premier tome du cycle des Inhibiteurs est un bon représentant du genre.

Pendant les 890 pages de L'espace de la révélation, le lecteur va vivre l'histoire à travers le point de vue de trois personnages. Sylvestre a hérité de son père le pouvoir, l'argent et le savoir. Il a plus de 200 ans, et porte au début du roman les casquettes d'archéologue et de dirigeant politique de la planète Resurgam, modeste colonie scientifique. Il a été attiré dans ce coin perdu car il est fasciné par les Amarantins, une race intelligente disparue depuis un million d'années lors d'un cataclysme inexplicable. Volyova est une Ultra, elle se ballade dans l'espace à bord du Spleen de l'Infini, un gigantesque vaisseau ne comportant qu'un équipage très réduit. Ces marins des étoiles sont habitués à la solitude, aiment modifier et améliorer leur corps à l'aide de machines, et à cause de leurs voyage à une vitesse proche de celle de la lumière, leur perception du temps est bien différente de celle des rampants. Ils se mettent en quête de Sylvestre, le seul à pouvoir sauver leur capitaine, atteint d'une maladie dégénérescente qui touche ses nombreux implants électroniques. Khouri est une tueuse qui va se voir confier par un personnage mystérieux la mission d'éliminer Sylvestre. Pour cela, elle va devoir s'embarquer en cachant ses véritables intentions à bord du Spleen de l'Infini.

Et tout ça, ce n'est que le point de départ. Il faudra à ces personnages des dizaines d'années d'attente et de voyage pour se retrouver ensemble, confrontés à ce qui ressemblera fort à une menace extraterrestre. Mais ce n'est ici que le premier tome d'une série, tous les mystères ne seront pas explorés jusqu'au bout : la plupart des conflit opposent les personnages humains entre eux. Quoi que, ces derniers sont souvent influencés par des puissances étranges, ou alors ont eux même dépassé le stade d'humain ...

Tout d'abord, il est évident qu'Alastair Reynolds ne se distingue pas par la qualité de sa plume. C'est un scientifique plus qu'un écrivain, et cela se sent. L'écriture est banale, les personnages ont du mal à être crédibles, les dialogues sont parfois à coté de la plaque. L'auteur utilise aussi un peu trop souvent la technique suivante : des personnages s'échangent des révélations dont le lecteur est exclu. C'est une façon assez grossière de pousser le lecteur à tourner les pages, et cela donne la désagréable sensation que les personnages en savent plus que nous. Tout cela est fort regrettable, mais bon, tout le monde ne peut pas écrire du space opera avec la même plume que Iain M. Banks.

Malgré tout, cela ne m'a pas empêché de dévorer le roman avec grand plaisir. Il faut dire qu'Alastair Reynolds a de l'imagination. Son univers est un régal pour tout amateur de science fiction et regorge de bonnes idées qui rendent le récit intéressant. L'intrigue est globalement riche, passionnante et non manichéenne. Malgré quelques longueurs, elle réserve son lot de surprises étonnantes et bien pensées. De plus, L'espace de la révélation a le bon gout de proposer une véritable fin, ce qui fait qu'il peut se lire sans pour autant que le lecteur ne se se sente obligé d'enchainer sur les trois autres pavés qui lui font plus ou moins suite.

Finalement, comme souvent dans le genre, l'écriture est banale mais est avant tout au service d'un univers et d'une histoire. Et de ce coté là, aucun doute, c'est réussit. Donc oui, L'espace de la révélation est un space opera qui mérite qu'on lui accorde de l'attention. 

893 pages, 2000, Pocket
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jeudi 16 août 2012

La cité sans nom - Vladimir Odoievski

La cité sans nom - Vladimir Odoievski

Nous avons ici affaire à un recueil de nouvelles de Vladimir Odoievski, un auteur russe bien peu connu en France. Une courte introduction nous en apprend donc un peu plus sur le personnage et sur son œuvre, et on comprend rapidement que l'on a affaire à un recueil hétérogène, qui a pour ambition de nous faire découvrir l’œuvre du monsieur dans son ensemble. Par conséquent, les nouvelles sont rangées dans différentes catégories.

On commence par sept "contes fantastiques". Si certains de ces contes sont agréables mais pas très marquants, on en retiendra quelques uns. Par exemple, Opere del cavaliere Gian-Batista Piranesi, qui nous raconte la rencontre entre un bibliophile et un architecte fou aux ambitions démesurées se lit avec grand plaisir. Dans La Sylphide, un homme qui s'ennuie à la campagne passe son temps à étudier des ouvrages d'alchimie et parvient à invoquer une petite créature qui va le fasciner.

On arrive ensuite à la partie sans doute la plus intéressante du recueil, "utopies et anti-utopies". Je ne m'attarderai pas sur Deux jours dans la vie du globe terrestre, qui évoque rapidement une société idéale née de la peur révélée injustifiée de la fin du monde. Par contre, L'an 4438, qui est le récit le plus long du recueil est très intéressant. Il s'agit là de fragments d'un roman non terminé, et on a droit à une vision du futur assez originale, surtout qu'on y parle principalement de la Russie et de la Chine. Par exemple, ce qui est à la mode à cette époque, c'est de boire du gaz et de prendre des bains magnétiques qui font dire aux gens leurs plus intimes pensées à haute voix ! On continue avec un autre récit très réussit, La cité sans nom. C'est l'histoire d'une cité ayant pour unique doctrine le profit. Une sorte de capitalisme où l’égoïsme est la seule règle qui conduira bien évidement la cité à sa perte. Ce petit texte est d'autant plus intéressant qu'il semble presque d'actualité ...

Viennent maintenant les "contes moraux". Les deux premiers sont de petits récits à la gloire du travail, de la connaissance et de l’altruisme, le troisième évoque l'histoire dramatique d'un homme qui n'a su empêcher la mort de son frère. Parmi les "contes exotiques", je retiendrai surtout Les mangeurs de haschisch, qui nous dit via quelques exemple qu’être l'esclave de la drogue n'amène rien de bon. Le livre se termine par les "contes pour enfant". Là aussi, une seule nouvelle a vraiment retenu mon attention : Le ver, qui nous raconte la vie d'un petit ver de façon subjective.

Au final, La cité sans nom est un recueil qu'il m'est vraiment difficile de juger, la faute à sa très grande hétérogénéité. Certes, cela nous permet de découvrir de multiples facettes de Vladimir Odoievski, mais l’intérêt ne suit pas toujours. Cependant, quelques nouvelles méritent le détour, notamment les "utopies et anti-utopies". J'aurai bien aimé en avoir plus dans ce style à la place de certains contes sympathiques mais anecdotiques.

263 pages, 1825-1849, Rivière Blanche
Merci aux traducteurs et à leur blog pour m'avoir envoyé le livre à la suite d'un concours.


samedi 11 août 2012

Les nuits blanches - Dostoïevski

Les nuits blanches - Dostoïevski

Dostoïevski est un auteur que j'attendais avec impatience de découvrir. Mais ayant déjà plein de livres à lire, j'ai préféré ne pas commencer tout de suite par les pavés que sont Les Démons, Les frères Karamazov ou encore Crimes et châtiment. Les nuits blanches et ses 84 pages m'a donc semblé une bonne porte d'entrée pour l'univers de Dostoïevski.

Nous avons affaire ici à une "simple" histoire d'amour que l'on sait dès le début condamnée à l'échec. D'un coté, le rêveur. Jeune homme modeste, timide, presque associable, qui a pour seul plaisir ses balades solitaires, qui permettent à son esprit de divaguer loin de la réalité. De l'autre, Nastenka, jeune fille de 17 ans vivant recluse avec sa grand mère. Ils passeront ensemble cinq nuits blanches, des nuits à discuter sur un banc, à se raconter leur vie, leurs souffrances et leurs espoirs. Et bien sur à échanger chaudes larmes et sanglots grandiloquents, car le rêveur va aimer Nastenka d'un amour qu'elle ne pourra pas lui rendre.

Les nuits blanches est superbement écrit et se lit quasiment d'une traite. Donc oui, maintenant je sais que j'aime Dostoïevski, et je me jetterai avec plaisir sur ses œuvres majeures à l'occasion.

84 pages, 1848, Babel

vendredi 10 août 2012

Lieux secrets et vilains messieurs - R.A. Lafferty

Lieux secrets et vilains messieurs - R.A. Lafferty

J'ai découvert Lafferty grâce à Nébal, et par chance, je suis tombé sur ce volume un peu jauni alors que je gambadais joyeusement dans une chouette bouquinerie. Les seize nouvelles de ce recueil nous proposent de partir tour à tour à la rencontre de lieux secrets et de vilains messieurs. Comme le titre l'indique, donc.

Et bien autant le dire tout de suite, Lafferty est une excellente découverte ! Il excelle dans le décalé, l'étrange, l'absurde, et ses nouvelles sont toutes originales et basées sur une idée tordue (mais souvent géniale). La première, A propos d'un crocodile secret, nous parle de diverses organisations secrètes qui contrôlent de nombreux aspects de la société, de l'économie aux blagues (drôles ou pas). Mais, chose incroyable, trois personnes à priori banales disposant de capacités de persuasion pas du tout banales mettent involontairement des bâtons dans les roues du Crocodile, société en charge de tous les slogans du monde. Une autre, Dans le jardin, évoque la découverte sur une planète lointaine de ce qui ressemble étrangement au jardin d’Éden ... trop beau pour être vrai ?  Dans Fou furieux, un homme a pour métier d’être en permanence dans une colère noire. Malheureusement, un jour, voilà qu'il se sent maussade, presque joyeux ...

Et des pitchs tous aussi fous s'enchainent avec les nouvelles, et sont généralement très bien traités, avec humour et ironie. C'est drôle, mais pas pour autant gai. Par exemple, la nouvelle qui m'a le plus marqué est certainement Un monde singulier. Un être venu d'ailleurs se retrouve débarqué de force sur la Terre. Au début, le lecteur ne le sait pas, il comprend seulement au fur et à mesure qu'il n'a pas affaire à un humain. On suit la découverte de notre Terre par les yeux de l'extraterrestre, ses conversations avec des oiseaux et des tortues, sa première rencontre avec des hommes, son ascension sociale ... un véritable régal, tant le point de vue décalé de la créature supérieurement intelligente et pacifique qui cherche à comprendre son environnement est bien utilisé. Mais comme la plupart des nouvelles du recueil, pas de happy end. Ici, l'humour est parfois presque noir.

Bref, Lafferty c'est bien, vraiment très bien, j'en redemande. Il a une imagination frétillante et un humour décalé qui fait mouche. Alors, si par hasard, en vous baladant dans une bouquinerie ...

253 pages, 1961-1974, Denoël

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mercredi 8 août 2012

Neuromancien - William Gibson

Neuromancien - William Gibson

Cela faisait deux ans que Neuromancien trainait sur mes étagères. J'avais à l'époque commencé à le lire, attiré par sa réputation, mais le livre m'était tombé des mains au bout d'une trentaine de pages, la faute à un style d'écriture très perturbant et vraiment pas clair. Mais bon, il fallait bien que je finisse par lire le roman considéré comme le père du cyberpunk. C'est désormais chose faite.

Humains modifiés pour s'interfacer avec les machines et les univers virtuels, améliorer leurs capacités ou changer de physique, consommation très fréquentes de diverses drogues, multinationales géantes au pouvoir considérable, mélange du réel et du virtuel, intelligences artificielles, communautés aux sous-cultures décalées, énorme taux de criminalité ... Voici le menu de l'univers cyberpunk dans lequel évolue Case, le héros de Neuromancien. Ce dernier est un ex-hacker qui s'est fait massacrer son système nerveux pour avoir voulu voler les personnes qu'il ne fallait pas. Du coup, il ne peut plus aller se balader dans les contrées pixelisées du cyberspace. Heureusement, un beau matin, voilà qu'on vient le chercher pour un boulot très mystérieux.

Et du mystère, il y en a un paquet dans Neuromancien, mais pas vraiment dans le bon sens du terme. C'est ce qui m'avait fait abandonner le livre il y a deux ans : ce style, cette construction du récit qui fait que l'on ne comprend pas la moitié de ce qu'il se passe. Les personnages voyagent, changent d’endroit, mais l'on ne comprend pourquoi qu’une fois qu'ils font ce qu'ils avaient à faire sur place. Et encore, on est loin de comprendre pourquoi ils font ce qu'ils font. Alors certes, le roman est très riche, plein d'idées, et on comprend pourquoi il a su créer un genre. D'ailleurs, l'univers est clairement le gros point fort de Neuromancien. Car si j'ai eu énormément de mal à suivre la trame globale, le roman se lit tout de même avec plaisir dans l'instant.

Finalement, Neuromancien est une déception. J'adore ce genre d'univers, et sur ce point le roman ne déçoit pas. Par contre, l'écriture rend le fil du récit extrêmement flou, ce qui empêche totalement de s'immerger dans l'histoire et du coup ne met même pas l'univers en valeur. Peut être suis-je passé à coté.

319 pages, 1984, J'ai lu
CITRIQ

jeudi 2 août 2012

Fallout : A post nuclear role playing game

fallout
Fallout est un très célèbre jeu de rôle ayant vu le jour en 1997. Et s'il est toujours joué 15 ans plus tard, ce n'est pas pour rien. Plutôt que de lister ses qualités et ses quelques défauts, je vous propose un petit aperçu de cette aventure à travers les premiers pas du joueur dans l'univers sombre de Fallout.

La guerre ne change jamais. Même après l'apocalypse nucléaire, elle continue à déchirer l'humanité. Mais heureusement, vous et quelques autres avez pu survivre dans l'abri 13 et former une communauté tranquille, loin de ceux qui pataugent dans le désert radioactif à l'extérieur. Problème : suite à une panne, l'abri n'a plus qu'un stock de 150 jours d'eau. Solution : vous envoyer défier les dangers du monde hostile à la recherche d'une salvatrice puce d'eau.


Tout commence par la création de votre personnage. Trois archétypes sont disponibles, mais c'est quand même plus marrant de tout choisir soi même. Ici, vous ne choisirez rien de l'apparence de l'homme ou de la femme que vous aller incarner, à cause des limitation technique de l'époque. Par contre, le reste est d'une richesse rare. Vous devrez commencez par attribuer à vos 7 attributs de base une valeur entre 1 et 10 (tout en ayant bien sur un nombre limité de points à attribuer). Voici les attributs : force, perception, endurance, charisme, intelligence, agilité et chance. Attention, ne faites pas vos choix à la légère, ces attributs ne pourront pas être modifiés et auront un impact considérable sur la partie. Par exemple, si vous misez tout sur la puissance au détriment de l'intelligence et du charisme, vous aurez des difficultés à vous exprimer et à interagir avec les PNJ (personnages non joueur), et au contraire, si vous misez tout sur l'intelligence et le charisme, vous pourrez presque toujours vous en tirer pacifiquement mais vous serez nul au combat. Par la suite, vous devrez décider de vos compétences. Il y en a 18, avec entre autres : armes à feu, armes laser, corps à corps, vol, science, médecine, crochetage ... Celles ci sont influencées par vos attributs, mais contrairement à eux, vous pourrez les améliorer à chaque fois que vous gagnerez un niveau. Puis vous pourrez si vous le souhaiter vous choisir un ou deux "traits", sachant que chacun a des avantages mais aussi des inconvénients. Et ensuite, vous pourrez enfin partir à l'aventure !

fallout

Vous voilà de l'autre coté de la lourde porte de l'abri, qui donne sur une petite grotte. Le jeu est en 3D isométrique, c'est vieux, c'est moche, mais franchement ça a du charme. Quelques rats affamés trainent dans le coin. Si vous ne voulez pas fuir, c'est l'occasion de découvrir le système de combat. Celui ci est au tour par tour. A chaque tour, vous disposez d'un certain nombre de points d’action, que vous pouvez utiliser pour vous déplacer, attaquer, utiliser un objet de l’inventaire ... Il est possible de viser une partie précise du corps de l'adversaire. Tout cela n'a l'air de rien, mais c'est très tactique, un bon système à la fois riche et accessible. Une fois les rats éliminés, attention les yeux, vous allez voir le soleil pour la première fois de votre vie !

Vous voici sur la carte du monde. La seule chose que vous connaissez, c'est l’emplacement de l'abri 15, où se trouve peut être la puce d'eau qui pourra sauver les vôtres, qui sans vous seront mort dans 150 jours. Bon, direction l'abri 15. Enfin, vous n’êtes pas obligé, vous pouvez très bien partir à l'aventure et laisser tomber l'abri. Mais on va dire que vous êtes gentil. Les déplacements sur la carte du monde sont automatiques : vous choisissez votre destination, votre personnage y va, et bien sur les jours défilent. Votre voyage peut être interrompu par diverses rencontres, souvent hostiles, alors gardez votre arme à portée de main. Les radscorpions rodent ... Et soudain, que voyez vous ? Une agglomération ! Chouette ! Une petite pause s'impose. Bienvenue aux Sables Ombragés. On vous demande gentiment de ranger votre arme, et vous entamez la discussion avec les autochtones. Libre à vous d’être sympathique ou non. En bavardant, vous vous rendez compte qu'un groupe de radscorpions pose un problème au village. Vous sentez venir votre première quête secondaire ! Plein de courage, vous allez massacrer ces viles créatures dans leur tanière. Sachez le, c'est la seule quête aussi basique qui vous attend dans Fallout. En revenant, tout fier de vous, vous apprenez que pendant votre absence la fille du chef a été enlevée par des pillards ! Pas foutus de se défendre tout seul ces blaireaux du désert ! De plus, les jours défilent. Allez, direction l'abri 15.

fallout

Vous y êtes. Une petite cabane se dresse au milieu du néant. Elle tangue sous la pression des vents du désert. Vous entrez. Une petite trappe se dessine dans un coin. C'est parti pour un peu d'exploration ! Bien sur, tout est abandonné, en ruine. Rats et taupes mutantes ont envahis les lieux. Vous trouvez de l'équipement qui vous sera utile, mais pas la moindre trace d'une puce d'eau. Rien d'autre que des écrans brisés et des ordinateurs éventrés. Une fois de retour à l'air libre, vous désespérez. Que faire ? Où aller ? Où trouver cette foutue puce d'eau ? Après un instant de réflexion, vous parvenez à la conclusion que vous n'avez à l'heure actuelle rien de mieux à faire que d'aller au secours de la fille du chef du bled de paysans. Vous vous dirigez donc vers le camps des pillards.

Vous approchez avec précaution. Les gardes vous regardent d'un air méfiant, mais comme vous avez rangé vos armes, ils vous laissent tranquille. Après tout, il essaient eux aussi de vivre comme ils peuvent. Vous vous baladez d'un air innocent dans le campement pour repérer les lieux (ah, la fille est enfermée par ici !) et établir votre stratégie. Sortir votre arme et massacrer tout le monde ? Non, vous avez 7 en intelligence, vous méritez mieux que ça. Vous faufiler et crocheter la serrure de la cellule ? Non, la fille risque de se faire tuer pendant la fuite. Aller la voir derrière ses barreaux, vous moquez d'elle et partir ? Non, vous êtes gentil voyons ! Défier le chef de la bande en combat singulier ? Vu vos musculatures respectives, mieux vaut éviter (il fallait y penser avant et choisir un personnage costaud !). Finalement, vous vous décidez à sacrifier une partie de vos maigres possessions pour racheter la vie de la fille.

Après avoir ramené la fille aux Sables Ombragés et vous être pris un râteau (pfff, vous lui avez sauvé la vie pourtant !), votre futur vous semble bien opaque. Vous avez entendu dire qu'il y avait des villes, au sud. De vraies villes, avec des casinos, des magasins, des forces de l'ordre ... Peut être trouverez vous là bas ce que vous cherchez. Vous vous mettez en route et, seul au milieu du grand vide apocalyptique, vous sentez que ce que vous avez vécu n'est rien en comparaison de ce qui vous attend ...


Albert Sánchez Piñol - La peau froide

Albert Sánchez Piñol - La peau froide

La peau froide est un roman horrifique, ou au moins fantastique. Deux hommes, sur une toute petite ile, résistent nuit après nuit contre les assauts de hordes de créatures aquatiques qui sembleront presque familières à l'amateur de Lovecraft. Au fond, peu importe comment les deux personnages sont arrivés là. Il fuyaient quelque chose et cherchaient l'isolement.

Au début, on apprend via quelques flashbacks quel cheminement à amené le narrateur à rechercher la solitude sur l'ile. Quand à l'autre personnage, Batis, son passé restera très opaque. Sa personnalité est très ... particulière, et cela entrainera bien évidemment un conflit interne entre les deux hommes en plus du conflit contre les créatures. D'un point de vue d'écriture et de construction, le roman est vraiment très bon. Il arrive à ne pas rendre lassant des événements qui auraient pu devenir répétitifs, à rendre la survie sur l'ile vraiment prenante, immersive, tout en laissant une large place à personnalité des personnages et à leur rapport entre eux et avec les monstres.

A ce propos, il y a un aspect du récit qui m'a un poil chiffonné. Le narrateur et Batis partagent leur quotidien avec la mascotte. La mascotte, c'est un monstre de la même race que ceux qui les assaillent presque chaque nuit. Un monstre femelle, avec lequel Batis puis le narrateur auront des rapports très intimes. C'est étrange, c'est un peu comme si dans Alien Ripley adoptait un xénomorphe. De la même façon, le narrateur aura une vrai réflexion sur la nature des créatures. Sont ils vraiment des monstres ou une race plus ou moins civilisée qui se bat pour son territoire ou pour des raisons qui nous échappent ? C'est une démarche aussi louable qu'intéressante que de ne pas céder à la facilité d'en faire juste de méchants monstres, mais cela pose quelques problèmes. Ainsi, au début ils seront aussi sauvages que pas très malins, et par la suite il arrivera qu'ils se comportent de manière pacifique, qu'on ai l'impression qu'une sorte de dialogue s'engage entre eux et le narrateur, pour qu'ensuite ils attaquent à nouveau comme une bête horde de monstres. Tout cela rajouté à l'inexplicable comportement soumis de la mascotte, qui cohabite avec les deux hommes, peut plonger le lecteur dans une certaine consternation.

Malgré ces réserves, qui évoquent plus des étrangetés du récit que de vrais défauts, La peau froide est un bon roman très maitrisé. Dans le genre humains contre terribles créatures, il s'impose, notamment grâce au traitement riche et profond de la personnalité des personnages.

260 pages, 2002, Babel. 
Vous pouvez aussi lire les avis éclairés de Nébal et de Cachou, qui m'ont donné envie de lire le bouquin.

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