mercredi 30 mai 2012

Necrovision

  
NecrovisionNecrovision est un FPS (jeu de tir à la première personne) qui a tout du jeu à budget limité, et je ne vais pas le lui reprocher. Car si ce manque de moyens est la cause de nombreux défauts de finition, il n’a pas empêché les développeurs de prendre des risques en proposant un univers original, en l’occurrence une première guerre mondiale revisitée, dans laquelle un scientifique allemand a eu la mauvaise idée de tenter un pacte avec des démons.

Si par la suite je ne suis pas très clair sur le scénario, c'est normal, le jeu ne l'est pas non plus. Ce qui choque le plus, c'est l'évident manque de liens entre les cinématiques (faites d'images fixes dans un style plus ou moins BD) et les phases de gameplay : dire que c'est bourré de faux raccords serait un énorme euphémisme. Cependant, plus que le scénario, c'est l'ambiance qui compte le plus dans Necrovision. Celle ci est servie par une direction artistique globalement réussie et parfois magnifique, malgré une technique dépassée. Certains plans sont un vrai plaisir pour les yeux.

Necrovision

Le joueur commence son aventure dans les tranchées, et malheureusement, les niveaux ne sont au début que de simples couloirs. Heureusement, après une ou deux heures de jeu, ceux ci commencent à s'ouvrir et à se complexifier, et avec l'arrivée de nouvelles armes et de nouveaux ennemis, Necrovision montre tout son potentiel et se révèle très agréable à parcourir, notamment grâce à sa délicieuse atmosphère apocalyptique et fantastique. Prendre le contrôle de l’ancêtre des exosquelettes pour aller trucider des zombies et autres créatures des abysses sur les champs de batailles de 1916, puis aller combattre un robot scorpion géant contrôle par un savant nazi fou, c'est complétement dingue, mais ça a son charme. De plus, le jeu fait la part belle aux combats au corps à corps, qui sont aussi sanglants que réussis. Au fur et à mesure de sa progression, le joueur sera amené à s’enfoncer dans les profondeurs de la terre (le jeu nous indique régulièrement a combien de kilomètres sous la Somme nous nous trouvons), et explorera le monde souterrain des vampires. Oui, ces derniers sont les gardiens de la terre, mais une bonne partie d'entre eux ont été corrompus par les démons, qui donc vont détruire la terre si le héros ne les en empêche pas en faisant des trucs de héros. Normal. 

Necrovision 
L'arrivée dans le monde souterrain s'accompagne d'une nouvelle arme, et pas des moindres : la Main d'Ombre. Cette dernière occupera quand vous le souhaiterez votre main gauche, et est d'une efficacité redoutable au combat rapproché, ce qui fait que Necrovison devient à partir de ce moment là trop "bourrin", et perd un peu de son charme à cause des environnements certes toujours vastes, mais désormais uniquement en intérieur. Même la petite virée à dos de dragon, si elle est sympathique, manque trop de subtilité pour être vraiment mémorable.
Et pour terminer l'aventure : direction les enfers, pour débusquer le mal à sa source ! Là aussi, le jeu s'inscrit dans une certaine routine. Mais le gameplay demeure assez nerveux pour accrocher la main à la souris et l'univers suffisamment travaillé pour accrocher nos yeux à l'écran jusqu’à une fin réussie.

Au final, Necrovision est-il un jeu à conseiller ? Certainement, mais pas à n'importe qui. Ceux qui recherchent une certaine ambiance glauque, violente, démente, et parfois quasi lovecraftienne seront comblés, s'ils apprécient également le gameplay efficace mais pas très subtil. Necrovision compte pas mal de défauts, mais tout de même, ça fait du bien d'avoir de temps en temps un jeu qui offre des plaisirs simples tout en nous régalant d'un univers original. Et puis affronter Satan en boss de fin, c'est quand même la classe.
 

mardi 29 mai 2012

Oussama - Norman Spinrad

Norman Spinrad est un habitué des sujets originaux et politiques (Rêve de fer, Les années fléaux, Jack Barron et l’éternité ...), et comme le dit bien la quatrième de couverture d'Oussama, "il confronte ses lecteurs aux grands enjeux contemporains". Oussama ne déroge pas à cette règle, et va peut être encore plus loin, puisque les fictions mettant en scène un (anti)héros islamiste, meurtrier multirécidiviste et surtout, terroriste convaincu, ne sont guère légion.

Dans un futur proche, le Califat est un vaste territoire regroupant la péninsule arabique et ses environs, qui tire sa richesse du pétrole et respecte strictement la loi coranique, ou en tout cas une certaine vision de cette loi. Le jeune Oussama, fraichement sortit des centres de formation des services secrets du Califat, se voit envoyé à Paris en tant qu'agent dormant. Tout d'abord, sa rencontre avec avec l'occident provoque chez lui un énorme choc, mais cela n'ébranlera pas ses convictions profondes. Son âme (ou plutôt son éducation) de djihadiste le poussera à commettre des actes de terrorisme au début presque innocents, mais cela se terminera par un bain de sang qui lui vaudra une renommée internationale en tant qu'Oussama le feu, le nom de guerrier qui lui à été donné par ses pairs. Le jeune Oussama est au fur et à mesure de ses actes et de ses découvertes de la réalité confronté à une profonde introspection, qui grâce à Allah ne l’empêchera pas de croire profondément en la cause de la guerre sainte. Par la suite, il se retrouvera sur les routes du Hadj (ou Hajj), pèlerinage annuel démesuré à La Mecque et cinquième pilier de l'islam, qui sera l'occasion de rencontres et de discussions théologiques. Là, il fera connaissance avec un homme qui l’amènera à se battre à nouveau en tant qu'Oussama le feu au coté des musulmans du Nigeria, contre le Grand Satan (l'Amérique), son armée de machines et ses pantins locaux. Plus l'on approche de la fin du roman, plus les choses prennent un aspect de crise internationale, où l'on assiste pour notre plus grand plaisir aux habiles manigances politiques des USA ...

C'est bien simple, Norman Spinrad nous livre avec Oussama un excellent roman d'anticipation et de guerre (psychologique). Le sujet avait tout du parcours du combattant, pourtant le défi est relevé avec brio. Le jeune Oussama, cauchemar absolu de l'occidental moyen, nous conte son histoire à la première personne. Ainsi, l'auteur évite tout risque de manichéisme, et Oussama ne parle pas en tant que vil ennemi de l'Amérique, mais en tant qu'homme de foi persuadé d'accomplir la volonté d'Allah. Bien sur, cela n'enlève pas aux yeux du lecteur l'horreur de ses actes, ni ne les excuse, mais d'une certaine façon les explique. De quoi montrer toute l’horreur du concept : "je ne suis pas responsable, c'est la volonté d'(insérez ici le Dieu de votre choix)."

606 pages, 2010, éditions J'ai lu

CITRIQ

lundi 28 mai 2012

Le Procès - Franz Kafka

Le procès est ma seconde rencontre avec Franz Kafka, après avoir lu il y a longtemps La Métamorphose, texte qui m'avait laissé un bon souvenir grâce à son concept tordu et bien traité. Kafka est connu pour être un écrivain de l'absurde, et Le Procès en est également un parfait exemple. Le pauvre Josehp K., fier administrateur dans une banque, n'a rien demandé à personne, cependant voilà qu'il est arrêté. Par qui ? Pourquoi ? Il n'y aura pas de réponses à ces questions.

Voilà qui étonne. Joseph K., lui, n'est pas aussi étonné que le lecteur. Passé une période de surprise bien légitime, il cessera de se poser des questions, et considérera son absurde procès comme un fait accomplit, tant pis s'il ne sait pas ce qu'on lui reproche ni quelle est exactement cette tentaculaire administration qui le poursuit. Ainsi, Joseph K. fera des discours enflammés pour se défendre, consultera un avocat spécialisé dans ce genre d'affaires, tentera de se faire aider par diverses personnes, tout en essayant de ne pas laisser son procès lui porter préjudice à son travail à la banque.

Mais Joseph K. n'est pas la seule personne empêtrée dans un procès insensé, ils sont nombreux ceux qui comme lui voient leur vie gâchée par cette imitation de justice. Il errent dans les couloirs moites de cette institution pendant des journées entières, espérant qu'on leur accorde un peu d'attention, passent des années à enchainer les démarches et les courbettes nécessaires au report de l'issue fatale de leur procès.

En temps que lecteur, le bilan est mitigé. L'écriture de Kafka se laisse lire, mais surtout, l'ensemble est tellement absurde que l'on se demande souvent où l'auteur veut nous emmener, et quel est le sens à tout cela. On peut y voir le chemin classique de la vie : un homme qui se débat contre les réalités de la vie (que l'on ne cherche pas à expliquer, on les accepte), et son issue sera comme pour tous la mort. Ou bien une critique des administrations, qui enveloppent la réalité d'une couche de paperasse qui la dénaturent. Ou encore la dénonciation d'une justice loin d’être exemplaire, Kafka ayant l'expérience du travail dans un tribunal. Quelque que soit l'interprétation, Le Procès est un livre vraiment déroutant, à la fois facile à lire et exigeant (le lecteur doit accepter l'absurdité), qui réserve des passage peu intéressants et d'autres dans lesquels tout est si saugrenu que l’intérêt est bien là.

285 pages, éditions le Livre de Poche