vendredi 15 mars 2024

Delta Green : The Way It Went Down - Dennis Detwiller

Delta Green : The Way It Went Down - Dennis Detwiller

Un bouquin qui, en version papier, m'aurait sûrement un peu irrité : il s'agit de micro-fictions qui laissent sans doute plus de papier blanc que noirci. Sinon, c'est fort inégal, mais globalement plaisant. Ces histoires extrêmement courtes m'ont fait l'effet de shots d'horreur cosmique. A chaque fois, c'est une petite idée condensée à l'extrême, et j'apprécie ce défi narratif, la difficulté de distiller une "histoire" et une ambiance en si peu de mots. Le contexte est souvent implicite et le lecteur gagne à connaitre l'œuvre de Lovecraft et le cadre narratif qu'est Delta Green, mais on se doute que qui ouvre ce petit volume ne le fait pas par hasard...

J'ai été suffisamment été convaincu par ce format narratif pour m'y essayer avec une brève nouvelle.

Even the immortal dream of an afterlife.

lundi 11 mars 2024

Tous les retours sont positifs (Nouvelle)

Dali - The Vertebrate Grotto


Il fait pas rêver mon taf, c’est clair. Quand j’en parle, on me regarde de travers. Alors j’en parle pas. Je parle pas. Je fais mon boulot. Je le fais pour Antonin.

Quand c’est dur, quand l’odeur manque de me faire gerber, quand il faut nettoyer les litres de sang et de merde, je me dis : Pour Antonin.

Et j’enchaine.

Là, on me livre un vieil âne, trois chevreuils ramassés en bord de route et une vingtaine de ragondins. Encore frais. Trop frais.

Sixième camion de la journée. Crevé. Bientôt seize heures.

Je grimpe dans la pelle hydraulique et je fais mon taf. Je chope les carcasses avec la pince et je les dépose sur le tas du jour. Un tas de cadavres. Peut-être une soixantaine de bestioles. Un tas honnête. L’âne se laisse manier sans rouspéter. Le premier chevreuil aussi. Le deuxième m’emmerde. Il a dû se prendre un camion à pleine vitesse, je sais pas, il est tout désarticulé. J’ajuste la pince et il éclate. Fait chier. Ses tripes se répandent sur les dalles. Je dirais bien que ça pue, mais non, ça ne change rien à l’odeur. Ça pue toujours. Je le dépose délicatement sur l’âne. Le salaud glisse et continue à déverser son intérieur. Putain de merde de

Pour Antonin.

Le troisième chevreuil est tout raide, ça me va, c’est pratique. Par contre, les ragondins m’emmerdent aussi. C’est petit ces machins-là. Vicieux. Pas évident de les choper. Moins salissant, mais ça prend du temps.

OK, livraison traitée.

Je m’intéresse à une autre pile, je chope quelques carcasses faisandées bien comme il faut et je les envoie dans le broyeur. Ça fait du boucan. Je me sens sale. Allez, la journée est bientôt finie. Je descends, je vérifie que tout va bien dans les salles de reproduction, où des milliers de mouches copulent dans la puanteur de l’ammoniac. Puis un coup d’œil aux silos où se trémousse mon gagne-pain : des torrents infinis de vers se tortillant les uns sur les autres. Je leur balance leur dose de bidoche broyée pour la nuit, avec le colorant adapté à chaque silo. Ils sont blanc mes vers, mais aussi jaunes, rouges, verts… On me demande beaucoup les pourpres vifs ces temps-ci. Parait que la poiscaille adore ça. Y peuvent pas résister. Je vends de bons vers. Tous les retours sont positifs.

C’est presque beau cet arc-en-ciel frétillant. Un déchainement de vie.

Je vais nettoyer la merde et le sang.

Pour Antonin.

La nuit est bien installée. Je ferme les portes. Je ferme les fenêtres. J’éteins les lumières. Je vérifie les caméras de surveillance. Tout est tranquille.

Je soupire. Je pense à ma famille.

J’ouvre la trappe. Je remonte dans la pelle. Je choisis un superbe cheval mort depuis cinq jours. Une bête de compétition. Ça lui plaira. Je connais ses gouts. J’entends ses gémissements d’impatience.

Je lâche le cheval au-dessus de la trappe. Flop. Et immédiatement les sons du festin.

Pour toi Antonin.

Papa t’aime. 


11/03/24

mardi 5 mars 2024

Delta Green : Dark Theatres

Delta Green : Dark Theatres

Un autre recueil de nouvelles dans l'univers de Delta Green, après Alien Intelligence et le roman The Rules of Engagement. Intérêt variable, bien sûr. Il se trouve que j'avais lu les quatre premières nouvelles il y a un an et demi, et que je viens de reprendre le volume pour les quatre suivantes. 

(Attention, flashback vers fin 2022...)

Once more, from the top... - A. Scott Glancy (pas fini/5) 

Celle-là, je ne l'ai pas lue, mais ce n'est pas forcément représentatif de sa qualité. Ce que j'avais aimé dans les deux précédents recueils de nouvelles Delta Green, c'était la façon dont les auteurs, globalement, parvenaient à s'approprier le Mythe lovecraftien sans pour autant faire du simple pastiche. Ici, en revanche, on est en plein de cette manie bien connue des diverses franchises à succès qui consiste à développer les moindres pistes narratives en produits indépendants, quitte à replonger inutilement dans le passé. C'est ainsi qu'on a droit à une description du raid de l'armée américaine sur Innsmouth en 1927 (je crois), raid qui est déjà mentionné dans la nouvelle de Lovecraft, Le cauchemar d'Innsmouth, et qui constitue l'évènement fondateur de Delta Green. Bref, c'est typiquement le genre d'évènement déjà connu, dans un endroit déjà visité, qui n'a pas besoin d'être détaillé. Je grignote suffisamment de lovecrafteries pour faire mon difficile.

Night and Water - Dennis Detwiller (3/5)

Bizarrement, la même structure narrative que la nouvelle précédente : un interrogatoire qui se transforme en narration d'un évènement passé, puis retour à l’interrogatoire pour conclure. Cette fois, c'est la seconde guerre mondiale et les nazis sont encore occupés à flirter avec d'indicibles entités. Delta Green lance une opération sur un site plus que suspect, et bien sûr, ça tourne mal. Comme petit récit d'aventure typé pulp, ça fonctionne pas mal, notamment grâce au mélange détonnant de personnages : notre héros américain se retrouve piégé sur le site et doit coopérer avec un nazi et un soviétique. Marrant. Dommage que l'aspect fantastique reste un peu frustrant faute d'un minimum de détails.

Russian Dolls - Robert E. Furey (1/5)

Ça commence pas trop mal pourtant : un groupe d'ufologues s'embarque pour Pluton dans une soucoupe volante des Greys, les faux aliens qui servent de couverture aux Mi-Go. Mais une fois sur Pluton, c'est d'une rare banalité : ils courent dans des couloirs vides et des pièces vides pendant que les Greys les chopent un par un pour les découper en morceaux. On dirait une maison hanté de foire. En plus, le tout est enrobé par des extraits de communications entre aliens, qui suggèrent des expériences faites sur les humains, mais qui sont surtout incompréhensibles et frustrants. Le pire du mauvais fantastique : faire une bouillie opaque pour tenter de camoufler une narration faiblarde.

As I See It - Greg Stolze (4/5)

Ah, retour à du Delta Green classique. Des agents font face à une secte qui cherche à invoquer des trucs louches : difficile de faire plus convenu. Cependant, la narration à la chronologie éclatée parvient à éveiller la curiosité, les personnages au bout du rouleau donnent une sympathique dimension psychologique, et en plus, l'un d'entre eux a chopé au cours de ses sombres aventures la capacité d'avoir des aperçu des dimensions supérieures, ce qui lui permet de balader sa subjectivité au-delà des limites humaines. Ce détail donne tout son sel à ce texte. C'est dérivé de From Beyond de Lovecraft (De l’au-delà en français), nouvelle particulièrement inspirante pour les gribouilleurs de lovecrafteries (j'ai moi-même écrit un scénario qui la prend comme base). Comme quoi, pas toujours besoin de réinventer la roue, il suffit qu'elle tourne bien.

(Hop, on me retrouve en 2024.)

Suicide Watch - Arinn Dembo (3/5)

De loin la nouvelle la plus longue du recueil, elle en occupe plus d'un tiers. J'ai eu du mal à rentrer dedans, mais il convient d'admettre que l'auteure écrit bien. Suite à une série de morts mystérieuses, un agent de Delta Green se retrouve à jouer le rôle de garde du corps d'une jeune rockstar qui en serait l'origine. Et en effet, sa musique a des effets secondaires. Il y a quelque chose de réussi dans le centre cette trame, dans la relation entre ces deux hommes brisés à leur façon. Mais c'est trop long, trop gonflé. Il y a en parallèle une trame secondaire, complètement superflue, et ça avance lentement, il n'y a pas assez de matière à se mettre sous la dent, d'autant plus que le pastiche est grossier : Erich Zann, les Cho-cho, le Roi en Jaune... C'est juste trop dérivatif et peu satisfaisant narrativement.

The Corn King - John Tynes (5/5)

Là, on est sur du pur pulp, court et bon. Une petite équipe de Delta Green, une opération mystère dans les bois, un vieux de la vieille coriace comme du bois flotté... C'est tout simple, sec, intense, et ça fonctionne merveilleusement. En bonne partie grâce à ce personnage du vieil agent : ce n'est aucunement développé ou verbalisé, mais la narration parvient à suggérer son expérience, le fait qu'il a dû traverser des décennies d'horreurs cosmiques, et qu'il a malgré tout réussi à garder sa volonté, son humanité, tout en n'étant plus tout à fait humain. 

Good Night, Bach Ma, Good-Bye - Benjamin Adams (4/5)

Expédition au Vietnam : un agent de Delta Green né sur place et une linguiste qui n'a jamais mis les pieds sur le terrain. Le procédé fantastique n'est pas follement original, mais le reste de la narration fonctionne très bien, notamment à travers le thème de l'ignorance volontaire, seule véritable défense face au Mythe : il faut savoir rebrousser chemin avant d'aller trop loin. C'est aussi l'occasion de rencontrer une sorte d'équivalent local et ancestral de Delta Green.

The Fast Track - Martin E. Cirulis (2,5/5)

Il y a du bon avec l'ambiance de mystère et de cabales qui s'ourdissent dans l'ombre, mais globalement une nouvelle un peu bordélique, difficile à suivre. Une agent de DG complote contre Alphonse, le patron de DG : c'est un peu fatiguant ces bains de sangs internes, d'autant plus quand tous les dialogues sont hautement vulgaires. Les flashbacks trop peu connectés, qui veulent suggérer plutôt que raconter, n'aident pas.

jeudi 29 février 2024

Biologie de Campbell #7 - Structure et fonction des membranes

Biologie de Campbell #7 - Structure et fonction des membranes

La membrane plasmique a une perméabilité sélective : elle se laisse traverser plus facilement par certaines substances que par d'autres. C'est une fonction fondamentale de la vie. 

Les membranes cellulaires sont des mosaïques fluides de lipides et de protéines, avec accessoirement des glucides. Un phospholipide (lipide le plus important dans la plupart des membranes) est une molécule amphipatique : elle a une région hydrophile composée notamment de phosphate composant la "tête", et une autre hydrophobe composée de deux chaines hydrocarburées semblables à des "queues". D'autres types de lipides membranaires sont également amphipatiques. Ces molécules sont disposes en bicouches, se touchant par les queues, leurs têtes hydrophiles vers les deux côtés de la membrane ainsi formée.

La majorité des protéines membranaires sont également amphipatiques. Elles sont enchâssées dans la bicouche et seules leurs parties hydrophiles en émergent. Les protéines ne sont pas réparties aléatoirement dans la membrane : elles forment des zones spécialisées où s'accomplissent certaines fonctions.

Les composants des membranes sont stabilisés par des liaisons hydrophobes, plus faibles que les liaisons covalentes. Les phospholipides peuvent assez aisément accomplir des mouvements latéraux. Il leur est aussi possible de "basculer" sur l'autre bicouche, mais ce mouvement nécessite de l'énergie. Les protéines membranaires sont beaucoup plus grosses et, quand elles ne sont pas immobiles, elles se déplacent plus lentement, parfois à l'aide de protéine motrices.

Les membranes doivent rester fluides pour exercer adéquatement leurs fonctions ; leur fluidité influe à la fois sur leur perméabilité et sur la capacité des protéines membranaires de se rendre là où elles doivent aller pour exécuter leurs fonctions. Habituellement, elles sont fluides comme de l'huile végétale. Les conditions "extrêmes" affectent cette fluidité, par exemple le froid solidifie la membrane, phénomène auquel elle est plus résistante si elle contient des queues hydrocarbonées insaturées qui, comme elles ont un angle, se peuvent pas s'entasser autant.

Le cholestérol, dont le noyau hydrophobe s'insère entre les queues hydrocarbonées et modère la fluidité membranaire, agit comme un tampon thermique : à température élevée, il restreint les mouvements des phospholipides et réduit la fluidité membranaire, et à basse température, il empêche les phospholipides de s'entasser et prévient la solidification de la membrane.

Les types de lipides qu'on trouve dans les membranes plasmiques sont influencés par l'évolution : les poissons des eaux froides doivent préserver la fluidité membranaire, alors que les bactéries et les archées extrémophiles des sources thermales doivent au contraire limiter la fluidité des membranes. De plus, les organismes soumis à des modifications de température ont acquis la capacité de modifier la composition lipidique des membranes cellulaires. Par exemple, chez des végétaux qui tolèrent le grand froid, le pourcentage de phospholipides insaturés augmente à l'automne, ce qui empêche les membranes cellulaires de se solidifier durant l'hiver. Des crustacés vivant dans des eaux traversées par un courant froid concentrent d'avantage de cholestérol dans leurs membranes cellulaires afin d 'en conserver la souplesse.

En somme : la membrane plasmique est un assemblage de diverses protéines insérées dans la matrice fluide d'une bicouche de phospholipides. Les membranes plasmiques et les membranes de différents organites possèdent chacune leur propre ensemble de protéines, qui varie selon le type de cellule. Les phospholipides sont la trame de la membrane, mais ce sont les protéines qui déterminent la plupart des fonctions.

Il existe deux grandes populations de protéines membranaires :

  • Les protéines intramembranaires sont insérées dans la membrane. La plupart sont même dites transmembranaires car elles traversent la membrane. Leur partie hydrophobe contient au moins une séquence d'acides aminés non polaires, et elles ont aussi une partie hydrophile en contact avec les solutions aqueuses de chaque côté. Certaines sont traversées par un ou plusieurs canaux hydrophiles qui permettent le passage d'eau et de substances hydrophiles.
  • Les protéines périphériques sont attachées lâchement à la surface membranaire, souvent aux parties émergentes des protéines intermembranaires.

 Quelques fonctions des protéines membranaires :

  • Transport : canal hydrophile de divers solutés
  • Activité enzymatique
  • Transduction des signaux : relai de messages chimiques
  • Reconnaissance intercellulaire
  • Adhérence intercellulaire
  • Fixation au cytosquelette et à la matrice extracellulaire : contribue au maintien de la forme cellulaire

Certaines personnes sont immunisées au VIH (sida), car ce virus se sert d'une protéine particulière située à la surface de certaines cellules immunitaire pour les infecter ; il se trouve qu'il a aussi besoin d'une autre protéine coréceptrice, et que certaines personnes, pour des raisons génétiques, n'ont pas cette protéine. C'est la découverte de l'importance de cette seconde protéine qui est la clé pour un potentiel médicament.

La synthèse des protéines et des lipides membranaires se déroule de concert avec le réticulum endoplasmique (RE). Les vésicules de transport les apportent dans le complexe golgien, où les glycolipides sont finalisés. Puis glycoprotéines et glycolipides sont de nouveau transportés via des vésicules, cette fois vers la membrane plasmique, avec laquelle les vésicules fusionnent, leur membrane devenant la membrane plasmique.

Il va désormais être question de la perméabilité sélective.

De petites molécules et des ions traversent régulièrement la membrane plasmique dans les deux sens. Par exemple, une cellule musculaire laisse rentrer monosaccharides, acides aminés et autres nutriments et fait sortir les sous-produits, ou déchets, du métabolisme ; elle laisse entrer O₂ et expulse CO₂ ; elle régularise ses concentrations en ions inorganiques monoatomiques et en ions inorganiques polyatomiques.

Les molécules hydrophobes (non polaires) comme les hydrocarbures, les lipides, le CO₂ et l'O₂ se dissolvent dans la bicouche de la membrane et la traversent sans l'aide des protéines membranaires. A l'inverse, la partie hydrophobe de la membrane rend difficile pour les ions et les molécules hydrophiles (polaires) de passer directement, comme les glucoses.

Certains ions et molécules polaires ne peuvent pas traverser la membrane sans aide, elles doivent alors passer par les protéines de transport. Celles-ci peuvent servir de canal hydrophile. Le passage des molécules d'eau est grandement facilité par des canaux appelées aquaporines. Chaque aquaporine permet le passage à la queue leu leu de 3 milliards de molécules d'eau par seconde dans son canal protéique, qui peut contenir 10 molécules d'eau à la fois. D'autres protéines sont appelés transporteurs ou pompes. Elles sont très sélectives et spécialisées, mais permettent le passage de certaines substances 50000 fois plus vite qu'en leur absence par exemple. 

LE TRANSPORT PASSIF

Le transport passif est la diffusion à travers une membrane sans dépense d'énergie. Les molécules, à cause de leur mouvement perpétuel, possèdent une énergie appelée énergie thermique. La diffusion, c'est-à-dire la tendance que les substances ont à se répartir uniformément dans un milieu, découle de cette propriété. Le déplacement des molécules individuelles est aléatoire, mais pas le déplacement des populations de molécules.

Dans des conditions normales, une substance se diffuse de l'endroit où elle est la plus concentrée vers l'endroit où elle l'est le moins. Toute substance diffuse selon son gradient de concentration. Une bonne partie des échanges membranaires se fait par diffusion. C'est le cas par exemple de l'absorption d'O₂ pour la respiration cellulaire, car la cellule consomme l'O₂, créant un gradient de concentration qui favorise le mouvement dans sa direction. Ce processus fonctionne grâce à la taille réduite de la cellule. La paroi cellulaire, comme on l'a vu, favorise le transport passif de certaines substances plutôt que d'autres, avec l'aide de protéines de transport comme l'aquaporine pour l'eau.

On appelle osmose la diffusion de l'eau libre (l'eau qui n'est pas associée à des solutés) à travers une membrane à la perméabilité sélective. L'eau se déplace donc de la solution la moins concentrée en soluté vers la solution la plus concentrée en soluté.

La tonicité est la capacité d'une solution de permettre à l'eau d'entrer ou sortir d'une cellule. Par exemple, c'est pourquoi la salinité de l'eau joue un rôle important sur les organismes qui peuvent y vivre, surtout ceux qui n'ont pas de paroi cellulaire, comme les cellules animales : dans une solution trop salée, l'eau devient hypertonique (plus de solutés non pénétrants) par rapport aux cellules animales, celles-ci perdent de l'eau jusqu'à potentiellement en mourir. Un milieu isotonique (autant de solutés non pénétrants) est au contraire en équilibre avec les cellules. Le milieu peut aussi être hypotonique (moins de solutés non pénétrants), dans ce cas trop d'eau entre dans la cellule et elle enfle.

C'est pourquoi certains organismes ont dû développer des systèmes d'osmorégulation, c'est-à-dire la régulation des concentrations de solutés et de l'équilibre hydrique. Par exemple, une certaine eucaryote unicellulaire qui vit dans les eaux hypotoniques a une vacuole pulsatile, un organite qui expulse l'eau à mesure qu'elle entre par osmose.

Les cellules des végétaux, des procaryotes, des eumycètes et de quelques eucaryotes, elles, sont entourées d'une paroi cellulaire : elle ne se distend que jusqu'à un certain point, après quoi elle empêche l'eau d'entrer. La cellule est alors turgescente (très ferme).

La diffusion facilitée est la diffusion facilitée par les protéines de transport disséminées dans la membrane, qui servent de canaux ou transporteurs, toujours sans dépense d'énergie, car le soluté transporté suit de lui-même son gradient de concentration.

LE TRANSPORT ACTIF

Certaines protéines de transport peuvent aller à l'encontre du gradient de concentration. Pour ce faire, il faut dépenser de l'énergie, sous forme d'ATP, qui cède son groupement phosphate terminal à la protéine de transport. Ce transfert entraine un changement dans la conformation de la protéine, comme un sas qui s'ouvre d'un côté et se ferme de l'autre.  Ces protéines de transport sont toutes des pompes et non des canaux. Le transport actif permet à la cellule de maintenir des concentrations intracellulaires différentes des concentrations extracellulaires.

Par exemple, la pompe à sodium et potassium (pompe à Na⁺-K⁺), qui échange du Na⁺ (qu'elle l'expulse) contre du K⁺ (qu'elle pompe) à travers les membranes des cellules animales, consomme environ un tiers de leur énergie totale.

Toutes les membranes déterminent une différence de potentiel électrique (ou tension) entre le milieu externe et le milieu interne des cellules. En fait, elles jouent le rôle de condensateur : un dispositif qui emmagasine les charges et qui génère un potentiel électrique. La couche cytoplasmique (interne) porte une charge négative par rapport au liquide extracellulaire, car les anions (ions négatifs) et cations (ions positifs) sont inégalement répartis entre les deux couches de la membrane. La différence de potentiel électrique de part et d'autre d'une membrane est le potentiel de membrane. (L'intérieur de la cellule est négatif par rapport à l'extérieur.)

Le potentiel de membrane influe sur le passage de toutes les substances chargées à travers la membrane : il favorise l'entrée des cations et la sortie des anions. Donc, en plus de l'énergie associée au gradient de concentration des ions, le potentiel électrique lui aussi contribue au transport passif : la combinaison de ces deux forces est le gradient électrochimique.

Une protéine de transport qui engendre un potentiel électrique de part et d'autre d'une membrane se nomme pompe électrogène. Pour les animaux, la principale semble être la pompe à sodium et potassium. Chez les végétaux, bactéries, archées et eumycètes,la principale pompe électrogène est une pompe à protons, qui transporte activement des protons (ions H⁺) vers l'extérieur de la cellule. En générant un potentiel électrique de part et d'autre des membranes, les pompes électrogènes créent une réserve d'énergie pouvant servir au travail cellulaire, notamment à la formation d'ATP lors de la respiration cellulaire.

Certaines protéines de cotransport peuvent agir à la fois comme un transporteur et comme une pompe. Le transport de protons H⁺ par exemple, suivant son gradient électrochimique, alimente le transport par exemple d'une molécule de saccharose, dans le même sens ou dans l'autre. C'est l'hydrolyse des pompes à protons qui, en accumulant des protons à l'extérieur de la membrane, fournit indirectement l'énergie nécessaire au cotransport.

EXOCYTOSE ET ENDOCYTOSE

Les protéines de transport s'occupent de l'eau et des petits solutés, mais les macromolécules elles aussi doivent traverser les membranes. Elles le font emballées dans des vésicules et avec un coût énergétique.

L'exocytose est l'expulsion de macromolécules sécrétées par la cellule. C'est un processus très fréquent. Même les neurones ont recours à l'exocytose pour libérer des neurotransmetteurs.

L'endocytose est l'introduction de macromolécules et et de particules en formant de nouvelles vésicules à même sa membrane plasmique. Il y a trois formes d'endocytose dans la cellule animale :

  • La phagocytose. Une cellule laisse entrer une particule en l'entourant de ses pseudopodes et l'emballe dans un sac membraneux, qui fusionne avec un lysosome remplis d'enzymes qui digèrent la particule.
  • La pinocytose. La cellule absorbe continuellement des gouttelettes de liquide extracellulaire dans de minuscules vésicules. Elle recueille ensuite les molécules contenues dans la gouttelette. C'est un transport non sélectif.
  • L'endocytose par récepteur interposé. Un type spécifique de pinocytose. La cellule fait entrer rapidement de grandes quantités de substances spécifiques. Des protéines enchâssées dans la membrane font office de récepteurs auxquels se lient des solutés spécifiques. Ensuite, ces protéines s'agglutinent dans des puits qui forment une vésicule.

samedi 24 février 2024

La permaculture de Sepp Holzer - Sepp Holzer

La permaculture de Sepp Holzer - Sepp Holzer

Un énième bouquin de permaculture, mais celui-là a tout de même une certaine réputation : l'auteur fait plus ou moins partie des "anciens" de la permaculture. Je l'ai lu en diagonale et je n'ai pas trouvé ça dingue, loin de là. Tout est assez vague, on ne va pas vraiment dans les détails pratiques. Il n'y a quasiment rien d'applicable (autre que des choses banales) pour le jardinier ou le permaculteur moyen. Ceci dit, si vous avez hérité de 50 hectares de terrain escarpé entre 1100 et 1500 mètres d'altitude, aucun doute que c'est le bouquin fait pour vous. Dans ce cas hautement spécifique, La permaculture de Sepp Holzer est vivement recommandé.

J'ai bien aimé les quelques pages sur le jardin vivrier, notamment les souvenirs de jeunesse de Sepp Holzer et les techniques potagères de sa mère, par exemple les méthodes de conservation des légumes dans la cave, avec les choux dans un silo, et les plus beaux légumes dans un tas de sable, pour les replanter aux printemps. Les trognons de chou servaient à faire des sortes d'endives dans la cave, à manger ou à replanter au printemps.

J’apprécie également sa position simple sur les purins : pas évident de déterminer les effets spécifiques, mais c'est des sortes d'engrais naturels qui améliorent la santé des plantes, et une plante en bonne santé est plus résistante. Par exemple, ortie et consoude, avec absinthe pour les pucerons en particulier.

dimanche 18 février 2024

De sève et de sang - Julia Hill

De sève et de sang - Julia Hill

Il y a bientôt 30 ans, Julia Hill a passé deux ans dans un séquoia géant au nord de la Californie pour empêcher sa destruction par une grosse compagnie qui avait l'habitude de raser ces écosystèmes pour transformer et vendre le bois. Il est frappant de constater à quelle point cette histoire bien réelle est... romanesque. Une héroïne idéaliste qui se retrouve soudainement dans une position d'improbable renommée, une grosse société tellement vile qu'on la trouverait trop caricaturale dans un film, un lieu de vie à la Tarzan, des combats dans la forêt et même dans les arbres entre militants écologistes et ouvriers armés de tronçonneuses, de colossales tempêtes qui mettent en péril la jeune femme, des hélicoptères géants qui viennent la menacer, les écœurantes machinations des grands patrons, etc.

Romanesque, et finalement plus triste qu'inspirant. Aujourd'hui, la forêt de séquoias géants ne représente que 5% des 8 095 km² initiaux, et même l'arbre qu'a défendu Julia Hill au milieu du désert des coupes rases y est passé, d'une certaine façon : il a été tronçonné aux deux tiers après tous ces évènements. Un acte de vandalisme, peut-être, mais je suis très tenté d'y voir un message des quelques puissants qui s'enrichissent ainsi :  « Toute résistance est impossible. N'essayez même pas, ça ne sert à rien. »

Plutôt que d'embrayer sur l'écologie, l'effondrement ou je ne sais quoi du genre, un mot sur la perspective religieuse de Julia Hill. C'est une croyante, une dévote, elle multiplie les prières et interprète le monde selon un prisme magique incohérent : elle voit partout et à postériori ses prières exaucées sans pour autant appliquer la même perspective aux évènements négatifs, elle lit des signes de Dieu dans les évènements du quotidien, ce genre de chose. A mes yeux, c'est de la pure démence moyenâgeuse. Je pourrais multiplier les citations de ses bondieuseries, mais bon. Ce qui me frappe encore une fois, c'est à quel point cette démence est... adaptative. Son interprétation magique et mystique du réel lui offre un soutien psychologique et lui donne l'étincelle pour accomplir des choses qui la font avancer dans le monde social et physique d'une façon avantageuse. Ce n'est pas une découverte pour moi, bien sûr, mais c'est une autre chose qui m'attriste : rencontrer quelqu'un d'aimable, de respectable, d'intelligent, et découvrir que cette personne est en même temps complètement irrationnelle à un niveau fondamental. Je comprends le pourquoi, mais j'ai du mal à m'y faire.

samedi 10 février 2024

Persuasion - Jane Austen

Persuasion - Jane Austen

Encore une histoire que j'ai l'impression d'avoir déjà lue un bon nombre de fois. Dans un milieu de bourgeoisie campagnarde et de vague noblesse, la toute parfaite Anne se languit. Son père est un peu bête, ses sœurs un peu cruches, mais elle, elle est charmante, gentille, intelligente, cultivée, etc. Un beau jour débarque un homme pour qui elle avait eu un faible dans sa jeunesse. Alors manquant de nom et de richesse, il n'était pas un bon parti, mais aujourd'hui, il est charmant, gentil, intelligent, sensible, et surtout riche. Que va-t-il bien pouvoir se passer, on se le demande...

C'est vraiment un classique de romance à perspective féminine. Anne a toute les qualités, et des hommes viennent parader autour d'elle pendant qu'elle reste passive, occupée à rosir bêtement en espérant que celui qu'elle préfère finisse par se déclarer. J'exagère un poil, mais pas tant. « Comment pourrait-il jamais connaitre les vrais sentiments d'Anne ? » Oui, on se le demande ; vivement que quelqu'un invente la communication. Ceci dit, ce n'est pas mal pour de la romance, c'est bien écrit et épicé d'un peu de satire sociale. J'avoue, je l'ai lu un peu distraitement.